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Les amants d’un jour
Anne-Marie Reynaud
Daïté
Yvann Alexandre
So Schnell
Dominique Bagouet
Mandragore
Jorma Uotinen
Petit psaume du matin
Josef Nadj
L’Incessante
Jean-Claude Gallotta
Les ombres du péché
Ministère de la Culture
La complainte du progrès
Ministère de la Culture
Besame mucho
Frédéric Gies
Erè mèla mèla
Lionel Hoche
Garota de Ipanema
Serge Ricci
La Habanera
Mié Coquempot
Ya Rayah
Alis
Grand Ecart – à propos de la danse contemporaine
Charles Picq
L’Homme qui danse
Valérie Urréa , Rosita Boisseau
Le Crawl de Lucien, première représentation
Dominique Bagouet
Uzès Quintet
Nathalie Pernette , Javier De Frutos , Emanuel Gat
Notre amour
Christian Rizzo
Jolie Môme
Daniel Larrieu
Tout morose
Dominique Hervieu , José Montalvo
Skull*Cult
Christian Rizzo , Rachid Ouramdane
La Danse hip-hop, une technique maîtrisée
Ministère de la Culture
Mille et une danses orientales
Mokhtar Ladjimi
Kaspar Konzert
François Verret , Mathurin Bolze
Alegria – L’Univers flamenco de Karine Saporta
Karine Saporta
La Danse aux poings de Mourad Merzouki
Mourad Merzouki
Les Pieds sur scène
Eric Legay
Sur les pas de Noureev
Rudolf Noureev
Legiteam Obstruxion, au cœur des battles hip-hop
Nadja Harek
Faire kifer les anges
Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne | EMKA
Tout près des étoiles – Les Danseurs de l’Opéra de Paris
Nils Tavernier
Histoires vives
Yan Gilg
Robyn Orlin, de Johannesburg au Palais Garnier
Robyn Orlin
Lueur d’étoile
Dominique Delouche
Les cahiers retrouvés de Nina Vyroubova
Dominique Delouche
Kaspar Konzert
François Verret , Mathurin Bolze
Mille et une danses orientales
Mokhtar Ladjimi
Planète Bagouet
Dominique Bagouet
Questa pazzia e fantastica – Paysages fabriens
Jan Fabre
Mr. Bojangles’ Memory, Og Son of Fire
Robert Wilson
Djai
Daniel Larrieu
Mansouria
Josette Baïz
Waterproof
Daniel Larrieu
Le P’tit Bal
Philippe Decouflé
Revoir Nijinsky danser
Vaslav Nijinski
Hoppla !
Anne Teresa De Keersmaeker
A la renverse
Mathilde Monnier
Song
Charles Picq
Carnets de traversée, quais ouest
Ministère de la Culture
Violences civiles
Odile Duboc
Opéra Goude – L’Aventure de la Marseillaise
Philippe Decouflé
Jaillissements, Isadora Duncan et Auguste Rodin
Isadora Duncan , Elisabeth Schwartz
La dernière fuite
François Verret
Reamker, danse avec les dieux
Stéphane Lebon
La Chambre
Joëlle Bouvier , Régis Obadia
Lourdes-Las Vegas (version sous-titrée)
Alain Platel
Suresnes Cité Danses (version sous-titrée)
Luc Riolon
Mille et une danses orientales (version sous-titrée)
Mokhtar Ladjimi
E pour eux (version sous-titrée)
Mathilde Monnier
Bruit blanc – Autour de Marie-France (version sous-titrée)
Mathilde Monnier
Waterproof (Audiodescription)
Daniel Larrieu
Violences civiles (Audiodescription)
Odile Duboc
So Schnell (1990) [Audiodescription]
Dominique Bagouet
Le Vif du sujet : Skull*Cult (Audiodescription)
Christian Rizzo , Rachid Ouramdane
Rain
Anne Teresa De Keersmaeker
Rain
Anne Teresa De Keersmaeker
Grass Field
Alex Hay , Steve Paxton
Lucinda Childs, Vehicle
Lucinda Childs
Carriage Discreteness
Yvonne Rainer
Le son d’Elsa
Elsa Wolliaston
Ô mon corps
Abou Lagraa
Le Crawl de Lucien
Dominique Bagouet
Steve Paxton, Physical Things
Steve Paxton
Deborah Hay, Solo
Deborah Hay
Robert Rauschenberg, Open Score
Ministère de la Culture
John Cage, Variations VII
Ministère de la Culture
Cris de corps
Bernardo Montet
One Flat Thing, reproduced
William Forsythe
Yvette Chauviré
Yvette Chauviré
Evidentia (évidence)
Mats Ek
Les cahiers retrouvés de Nina Vyroubova
Dominique Delouche
Le cygne
Yvette Chauviré
Odile Duboc, une conversation chorégraphique
Odile Duboc
Odile Duboc, une conversation chorégraphique
Odile Duboc
BGirls
Nadja Harek
Borobudur
Arnold Pasquier
Dis moi pourquoi tu danses
Jacques Kébadian
Du cercle à la scène
Ministère de la Culture
Les arènes du hip-hop
Ministère de la Culture
Toujours mort, encore vivant
Kô Murobushi
La peau (audiodescription)
Christian Bourigault
Le Vif du sujet : Petit psaume du matin (audiodescription)
Josef Nadj
BGirls
Nadja Harek
Borobudur
Arnold Pasquier
Dis moi pourquoi tu danses
Jacques Kébadian
Du cercle à la scène
Ministère de la Culture
Les arènes du hip-hop
Ministère de la Culture
Triton (audiodescription)
Philippe Decouflé
Paso Doble
Josef Nadj
A propos de Nice
Jean Vigo , Boris Kaufman
Carnaval à la Havane
Claude Santiago
Djabote Doudou Ndiaye Rose
Béatrice Soulé , Éric Millot
Djembefola
Laurent Chevallier
Entrée du personnel
Manuela Frésil
Entrée du personnel
Manuela Frésil
Ghazeia danseuse d’Egypte
Safaa Fathy
Gille à Pont
Christian Deloeuil
La danse et Degas
Mischa Scorer
Les Saisons
Artavazd Pelechian
Les Saisons
Artavazd Pelechian
Lois Greenfield, portrait d’une photographe de danse
Sylvie Fleurot
Natpwe
Jean Dubrel , Tiane Doan na Champassak
Samba opus 1 – Rio, le conservatoire de la samba
Yves Billon
Samia forever
Saïda Boukhemal
William Christie et les Arts Florissants
Andréa Kirsch
Wodaabe, les bergers du soleil
Werner Herzog
Retour à Douchanbé
Ministère de la Culture
Grass Field
« Grass Field » fut présenté les 13 et 22 octobre 1966 à l’Arsenal du 69e Régiment de New York. Cette performance d’Alex Hay relève à la fois du dispositif scénographique et de l’expérience scientifique.
Grass Field fut présentée les 13 et 22 octobre 1966. Cette performance d’Alex Hay relève à la fois du dispositif scénographique et de l’expérience scientifique. Couvert d’électrodes qui amplifient les sons les plus intimes de son corps, assis devant un grand écran sur lequel apparaît son visage, l’artiste repousse les limites perceptibles de l’individu.
Grass Field – un champ d’herbes – c’est sans doute ce que sont censés représenter les 24 carrés de tissu numérotés qu’Alex Hay dispose sur le plateau en ouverture. Ce territoire sera ensuite défait par deux agents munis de perches, Robert Rauschenberg et Steve Paxton, tandis que le performeur se tient assis immobile au milieu de la scène. Sans doute en vertu d’un jeu de mots – « hay » signifie « foin » – ce champ d’herbes désigne-t-il le territoire intime de l’artiste, d’abord délimité, puis défait, au fur et à mesure que les fréquences de son corps emplissent la salle et que les détails de son visage halluciné imprègnent le regard du spectateur. S’exposer ainsi, être confronté aux sons filtrants à travers sa peau tout en restant longuement immobile se révéla une épreuve pour le plasticien-danseur. La technologie, utilisée de manière ludique dans les autres performances, devient ici l’instrument d’une expérience inquiétante. Une forme de science-fiction dont l’artiste est le cobaye.
Source : Sylvain Maestraggi
9 Evenings : Theatre & Engineering est une série de dix films consacrés aux dix performances légendaires qui ont eu lieu à New York en octobre 1966. Point d’orgue du foisonnement créatif new-yorkais des années 1950-60, les 9 Evenings représentent un moment charnière du rapprochement entre art et technologie, et de l’invention de nouvelles formes de composition et de performance.
C’est à la complicité de Billy Klüver, ingénieur au centre de recherches Bell Laboratories, avec le plasticien Robert Rauschenberg que l’on doit 9 Evenings : Theatre & Engineering, une série de performances qui furent présentées à l’Arsenal du 69e Régiment de New York, entre le 13 et le 23 octobre 1966. L’enjeu était simple : mettre à la disposition d’une dizaine d’artistes le savoir-faire d’une équipe d’ingénieurs des laboratoires Bell, pour leur permettre de réaliser, grâce à des moyens technologiques de pointe, “la performance de leur rêve”. Projecteurs, caméras vidéo, transistors, amplificateurs, électrodes et oscilloscopes firent ainsi leur entrée sur scène au service de visions ambitieuses, futuristes, iconoclastes ou poétiques – qui toutes furent filmées en noir et blanc et en couleur. Lorsque ces films furent retrouvés en 1995, Billy Klüver décida en collaboration avec Julie Martin et la réalisatrice Barbro Schultz Lundestam, de produire une série de documentaires restituant ce qui s’était produit sur scène et lors de la préparation des performances. Ainsi le matériau original fut-il complété par des entretiens avec les protagonistes de chaque performance (artistes et ingénieurs), des images d’archives et quelques invités prestigieux. Les 9 Evenings allaient pouvoir retrouver leur place dans l’histoire de l’art.
Or, les artistes le rappellent eux-mêmes, ces performances s’inscrivent de manière déterminée dans l’évolution de l’art aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Sans remonter jusqu’à Jackson Pollock, évoqué par Lucinda Childs, qui, en plaçant le geste au cœur de la peinture ouvrit la voie à un art de l’action, le parrainage de Merce Cunningham, John Cage et Robert Rauschenberg est de première importance dans le développement de ce qui sera présenté sur scène. C’est au Black Mountain College, où enseignait Cage, qu’eut lieu en 1952 le premier happening auquel participèrent Rauschenberg et Cunningham, ainsi que David Tudor, que l’on retrouve dans les 9 Evenings.
Une des spécificités de cet événement était de rassembler librement différentes disciplines artistiques sur une même scène, en renonçant au caractère narratif de la représentation théâtrale. La plupart des artistes invités à participer au 9 Evenings sont issus du Judson Dance Theater, un collectif réuni dans l’église Judson à New York et constitué de disciples de Merce Cunningham. Les préceptes de John Cage leur étaient enseignés par Robert et Judith Dunn, et Rauschenberg, directeur artistique de la compagnie de Cunningham, les assistait dans l’organisation de leurs spectacles. Rauschenberg s’initia lui-même à la danse dans les années 1960 et réalisa certaines performances avec Carolyn Brown, Steve Paxton, Deborah et Alex Hay.
Transversalité, mélange de danseurs et de non-danseurs, interaction avec des objets, abandon de la technicité de la danse au profit de l’observation des gestes du quotidien, sont autant de caractéristiques du Judson Dance Theater que l’on retrouve dans les 9 Evenings. Trouver un nouveau rapport entre l’art et la vie, telle était l’injonction de Cage et Rauschenberg. Sur l’immense plateau de l’Arsenal, la technologie mise au service des artistes va permettre d’intégrer toutes sortes de sons et d’images venus de l’extérieur et la danse va s’effacer pour laisser place à un nouveau genre de pantomime appelé performance.
La technologie des ingénieurs de Bell est elle-même un de ces éléments du monde extérieur. Les artistes choisissent de la mettre en scène ou de l’escamoter au profit de compositions tirées de leur imagination. Chez les musiciens, Cage et Tudor, c’est une débauche de câbles, chez Alex et Deborah Hay, une atmosphère expérimentale proche de la science-fiction, chez Lucinda Childs, un dispositif empreint de modernisme. Rauschenberg et Robert Whitman proposent des formes plus directement empruntées à notre environnement quotidien : l’un change le plateau en terrain de tennis, l’autre y fait pénétrer des automobiles. Dans ces performances, comme dans celle d’Öyvind Fahlström, qui foisonne de “deus ex machina”, la technologie conserve son rôle ancestral de machine de scène.
Si l’amplification du son et la projection sur écran constituent une nouveauté, les tableaux dressés par ces artistes appartiennent encore à l’univers du théâtre. Théâtrale également, la séparation entre la scène et le public qui n’est abolie qu’une seule fois par Steve Paxton, avec ses structures gonflables dans lesquelles les spectateurs sont amenés à se promener. Ce qui nous écarte du théâtre toutefois, c’est l’absence de texte ou de parole (à l’exception d’Öyvind Fahlström). La performance n’est pas ordonnée à un récit, elle invente ses propres unités de temps et d’action. D’où la tension dont témoignent certains artistes qui ignoraient parfois la durée de leur spectacle ou doutent encore de sa cohérence. La performance est un art du risque qui se joue dans l’instant.
Enfin, grâce à la technologie, on voit émerger tout un nouveau monde d’images. Cette vie qu’il appartient à l’artiste de réconcilier avec l’art est faite non seulement de gestes, mais aussi d’images de télévision et de cinéma, d’images documentaires ou de publicité, d’images-fantasmes ou d’images-messages. C’est flagrant chez Yvonne Rainer et Robert Whitman. Le monde qui pénètre sur scène est celui de la société de consommation et de ses objets fétiches : radios, télécommandes, ventilateurs, aspirateurs, machines à écrire. Le règne de l’automatisme et de l’interrupteur. Que l’entreprise qui met à disposition ses ingénieurs soit une compagnie de téléphone laisse songeur quant à l’avenir de ces techniques. Mais à la différence du pop art, qui s’empare au même moment des emblèmes et des rites de la société américaine, et même si la plupart des performances ont une dimension ludique, on discerne, en filigrane des 9 Evenings, comme un soupçon critique à l’égard de ce nouvel environnement. Cela éclate chez Öyvind Fahlström, qui livre un pamphlet contre l’idéal conformiste des Etats-Unis. Mais il n’est pas tout à fait isolé. La foule spectrale filmée à la caméra infrarouge chez Rauschenberg, le visage bardé d’électrodes de l’artiste cobaye Alex Hay, le monde synthétique de Steve Paxton laissent filtrer une certaine inquiétude. Imitant la condition de l’ouvrier ou du consommateur, le corps du danseur renonce à toute agilité pour n’être plus qu’un opérateur dans un dispositif, voire une simple chose déplacée sur un socle comme chez Deborah Hay.
Durant ces dix jours, les ingénieurs et les artistes des 9 Evenings auront transformé l’immense voûte de l’Arsenal en caverne de Platon, où le public sera venu admirer les reflets dispersés du monde moderne. Si la tristesse de l’ère industrielle vient de ce que la technique nous dépossède de la réalité, à travers ces dix propositions, la performance s’est affirmée comme un genre libre et onirique, capable de puiser dans la rumeur dudit monde – fût-elle électrique – un matériau neuf à transfigurer.
Source : Sylvain Maestraggi (Texte publié dans Images de la culture n°29, février 2015)