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Le grand jeu - Olivia Grandville

Création 2013-14

Year of production
2014
Year of creation
2014

Un quasi-solo ; Genèse et partition

– Elle attend dans la rue, bras croisés sur un pull camionneur, robe courte, chaussettes roses tirées à mi-mollet sur des espadrilles compensées, elle parle toute seule, mi-Popeye mi-Marilyn, secoue la tête, se gratte le nez, fait un demi-tour sur elle-même, met ses mains dans des poches qu’elle n’a pas, interpelle une passante qui s’écarte, insiste, s’énerve, l’insulte, risque sa vie au milieu des voitures, trépigne, fait de grand gestes, saute de joie, bat des mains.

Je revois le film Tout sur ma mère de Pedro Almodovar. Une pièce au coeur d’un film, une voiture sous la pluie, un jeune homme qui meurt, une dédicace à Bette Davis, Vivien Leight, Marilyn Monroe, Gena Rowlands… Un film dédié aux femmes et aux actrices, un film sur le théâtre, un film poupée russe, hommage à Opening night de Cassavetes, lui-même inspiré de All about Eve de Mankiewicz. Emboîtement.

– Elle chante, déplace des objets inutilement, allume une cigarette, met un air d’Opéra, danse, va ouvrir une porte, la referme aussitôt s’assoit sur une chaise, se relève, répond au téléphone, raccroche, se rassoit… regard fixe… fume assise sur une chaise… se ressert à boire et fume.

C’est le moment, c’est maintenant, l’heure de la « seconde femme ».

Ce n’est pas un solo sur l’âge, Opening night n’est pas un film sur l’âge, Opening night est un film sur la confusion nécessaire entre le jeu et la vie, c’est une femme qui joue sa vie, qui joue à être, Huma, Mabel, Myrtle, Gloria, la jeune fille, la femme mûre, la vieille femme, elle les joue toutes et le jeu lui sauve la vie. 

– Elle danse sur la mort du cygne, un ballon rouge accroché par un fil au bout du doigt, elle fait avancer un vélo d’enfant, un pied sur la pédale comme une trottinette, elle se jette sur un lit le visage enfoui dans le creux de son bras, sa main dressée s’ouvre et se ferme.

C’est une histoire de fantôme, une femme hantée par d’autres, l‘actrice, l’amante, la mère, son propre fantôme à venir.

– Elle ouvre une porte se cogne au chambranle, reçoit un coup invisible, glisse le long du mur, se redresse, tente de parler, glisse encore, saigne. Elle tombe, vrille de tout le corps depuis la tête, effet de ralenti donné par le mouvement des cheveux, elle dit « PAN » et rit. Elle monte un escalier à quatre pattes, cherche un appui inexistant, tangue d’un mur à l’autre comme par gros temps. Trois paires de main la maquillent, la coiffent, la propulsent sur scène.

C’est un hymne à l’instabilité, instable comme deux chevilles de verre sur des sandales à talon ou comme un pied de nez à cloche-pied.

C’est un hymne à la vitalité, à la rapidité, à l’urgence, celle d’une femme qui traverse une rue en courant, un enfant à la main, se cache sous une porte cochère, hèle un taxi, sort un flingue de son sac et le brandit droit devant elle, campée sur ses mollets de coq.

– Elle se rattrape du bout des doigts, signes cabalistiques pour conjurer le sort, les deux index en croix, le pouce dressé en manière de défi, ses petits poings serrés de boxeur anémique prêts à en découdre.

Pluie, applaudissement, piano, grain d’une voix :

The whole world…

Everybody wants to be loved…

When I was seventeen

I could do anything… It was so easy

My emotions were so close to the surface

I’m finding it… harder… and harder…

To stay in touch.

Prétexte:

« John m’avait demandé d’aller jusqu’au bout, de sortir le grand jeu. » 

Gena Rowlands (à propos d’Une femme sous influence)

Si Opening night constitue le point de départ du travail, c’est essentiellement la mise en abyme qu’il met en jeu qui m’intéresse. En tant que récit auto-fictionnel, réflexion sur le théâtre, regard porté sur les femmes. 

Comme dans d’autres films de Cassavetes, Opening night repose sur un principe d’emboîtement et joue sur une confusion permanente entre réalité et fiction, être et paraître, y compris dans la forme cinématographique à laquelle se mêle sans cesse la représentation théâtrale, jusqu’à intégrer la présence des spectateurs à l’image.

Le film commence par une mort, celle d’une jeune fille renversée par une voiture au moment où elle tente d’obtenir un autographe de sa star préférée, Myrtle Gordon. Cette jeune fille va devenir le double hallucinatoire de la comédienne, sa propre jeunesse, au moment où elle doit incarner le rôle d’une femme plus âgée qu’elle, dans une pièce intitulée : The Second Woman.

Mais le personnage de Myrtle dans Opening night pourrait aussi être la jumelle inversée de Mabel dans Une femme sous influence.

La folie de l’une, tolérée et protégée par son statut de star, celle de l’autre, rejetée, loin d’une « normalité » que Cassavetes ne cesse d’interroger. 

Au-delà du personnage de Myrtle, ce sont tous les corps imbriqués du cinéma de Cassavetes qui sont ici convoqués au travers de cette figure féminine centrale qui le traverse. Une figure féminine dont la physicalité tragique et bouffonne me touche très intimement, et avec laquelle je vais à mon tour jouer. 

Choreography
Director
Year of production
2014
Year of creation
2014
Artistic direction assistance
Catherine Legrand
Art direction / Design
Olivia Grandville
Artistic advice / Dramaturgy
Catherine Legrand
Choreography assistance
Catherine Legrand
Duration
55 minutes
Lights
Yves Godin
Music
Bo Harwood / John Cassavetes (Last room on the right) ; Pixies
Other collaboration
Remerciements à Stéphane Pauvret et Manuel Vallade pour leur collaboration amicale
Performance
Olivia Grandville
Set design
Olivia Grandville, Yves Godin
Sound
Nicolas Barillot
Production of choreographic work
Production : La spirale de Caroline / Co-production : La Ménagerie de Verre, CCAM Vandoeuvre-lès-Nancy, le Musée de la danse, Charleroi Danses
Other
Olivia Grandville
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