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BiT
BiT is the 49th creation of Maguy Marin. At the heart of this piece is the rythm.
49th creation for Maguy Marin. In the center of this piece: the question of rhythm. How form comes through rhythm and how to tune the rhythms of each other to live together.
The linguist Émile Benveniste writes: « The rhythm is the form in the moment that it is assumed by what is moving, mobile, fluid, it is the improvised form, momentary, modifiable. And that’s what drives the choreographer. The rhythm is a form in constant transformation. It is a foundation in the unfolding of his pieces one after the other: always starting from what has been done, without ever remaking. This time she works with 6 dancers on the eminently political issue of rhythm. « The only question that is worth, confirms Maguy Marin, is how to produce musicality between us. How singular individual rhythms can articulate with the rhythm of others, to create something that opens a possible sharing. »
Source: Biennale de la danse
« Notre époque n’est pas rose, et, chez Maguy Marin, elle est crépusculaire ! Sur un rythme, implacable, qui est le nerf de la pièce, comme le voulait la chorégraphe, BiT nous entraîne dans les tréfonds de l’humanité.
Contrairement aux pièces précédentes, soumises à un séquençage minutieux, d’Umwelt à Nocturnes, entrecoupées par des disparitions ou des « noirs » brutaux, BiT semble taillé à même la masse, dans une continuité obsédante, tant au niveau du mouvement que dans la gestion du groupe lui-même qui, le plus souvent, se tient par la main.
Car, au fond, Maguy Marin revient, malgré ou grâce à ces très modernes valeurs d’unité binaire qui servent de base au langage informatique, au plus archaïque, sans doute, des systèmes chorégraphiques : la ronde ou la chaîne, appelée aussi farandole au sud de la Loire, Sirtaki ou Sardane ailleurs. Si ancienne, que l’on en retrouve les motifs de base sur les parois de grottes datant de plus de 10 000 ans. Rien d’étonnant puisqu’’il s’agit ici de décrire la condition humaine dans ce qu’elle a sans doute de plus radical, de plus immémorial, soit l’être ensemble, avec ses ombres et ses lumières, ses beautés et ses débordements.
Commençant dans l’obscurité où l’on distingue finalement un petit groupe assemblé à côté de panneaux inclinés comme autant de barrières ou de barricades, ils se prennent par la main, et se glissent dans cette construction pour en revenir en dansant une sorte de farandole inexorable tandis que la bande-son répercute les échos d’une guerre proche, avec ses missiles et ses bombes, ses chocs. Images fortes et évocatrices qui s’emparent de l’histoire comme de l’actualité. Une sorte de mémoire immémorielle parcourt cette œuvre, comme si revenaient constamment ensemble passé et présent, invariants comme ces pulsations qui secouent, alignent et font danser cet embryon d’humanité, traversant des états, des écueils, des élans, des horreurs.
Cette danse simple en apparence, oscille d’un solaire sirtaki à une danse macabre où l’on copule et on viole pour s’assurer d’être vivant. On s’acharne, à être ensemble, à se tenir, à résister. Et tout y passe, le groupe se délitant et se reformant, passant d’une ambiance à l’autre avec cette insistance insensée, serpentant sur les planches, s’accrochant les uns aux autres, et finalement dégringolant à demi-nus le long de ces panneaux recouverts d’un drap rouge imprimant d’un seul mouvement toutes les images accumulées, des terreurs concentrationnaires à l’esthétique de tableaux de Géricault ou Delacroix, ou même de Brueghel l’ancien, des charniers divers à une orgie sexuelle baroque et cuivrée.
Dans BiT, tout y passe, de l’adoration de l’or aux pièges d’une société de consommation (d’ailleurs, cette farandole n’est pas sans rappeler celle, figée, de Faces) de l’obscurantisme hypocrite des religions figuré par quelques moines en chasubles aussi noirs que les messes qu’ils célèbrent, la folie du monde, la barbarie ordinaire…
Qu’est-ce que le collectif tolère ou suggère ? Que peut l’individu ? De flux en reflux, la pièce attaque ce que nous vivons, avec ces intensités variables, ces rythmes binaires qui régissent nos existences. BiT est aussi une sorte de traversée de l’œuvre de Maguy Marin elle-même, d’une danse très cadencée, d’une scansion des corps initiée avec May B., en passant par Leçon de ténèbres et toutes les pièces qui dénonçaient ouvertement les pouvoirs en place, à Umwelt ou Turba, et leurs embâcles ou leurs débâcles, puis Salves, Faces ou Nocturnes qui font exploser notre monde en miettes… Et BiT en relève – magistralement – la continuité comme l’accentue la pièce elle-même, bâtie dans une cohésion assumée.
Et toujours, la danse reprend, sur cette bande-son formidable de Charlie Aubry jusqu’à ce que mort s’ensuive, avec ce léger coup de bassin vers l’avant qui vient ponctuer la phrase chorégraphique et souligner que le désir n’est qu’un autre nom de l’instinct de survie.
Tragique, émouvante, politique, BiT de Maguy Marin ressemble à la vie. »