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WHA - La capture
Dans le contexte de la fin des années 1990 où le milieu chorégraphique en France est agité par des débats sur l’institutionnalisation de la danse, la place des directeurs de centres chorégraphiques nationaux est remise en question, notamment par le collectif des « Signataires du 20 août » (1997), qui s’en prend, entre autres, à Régine Chopinot. Quelques années plus tard, Chopinot soutient le mouvement des intermittents du spectacle en 2003 et obtient encore des réactions contrastées du milieu de la danse. En 2004, elle sait que son départ du CCN de la Rochelle est annoncé et avec cette pièce souhaite provoquer et affiche un propos irrespectueux face à l’institution.
Cette pièce fait partie du triptyque de la Fin des Temps avec 1° « Chair Obscur », 2° « WHA » et 3° « O.C.C.C. » Ce triptyque est une longue remise en cause de l’écriture et de la création chorégraphique consécutive à une mise en crise volontaire des notions générales de temps, de mémoire et de construction.
Des ateliers ont été proposés autour de la création de « WHA », à destination des interprètes de la compagnie et venant d’autres collectifs. Ces ateliers ont cherché à travailler sur le thème de la mémoire et ont donné lieu à des présentations publiques en 2004-2005 (Lyon, Cologne, Berlin, Munich, Nantes et La Rochelle).
Deux versions de la pièce sont proposées, l’une en 2004 et une seconde en 2005 avec de nouvelles dates de tournée. En 2006, une autre version de « WHA » a été montrée à la Chapelle Fromentin (La Rochelle), intitulée « WHA 909 » et interprétée par 6 interprètes.
« WHA » (Warning Hazardous Area, ou Attention zone à risques)a été présentée sur de grands plateaux : Théâtre de Cornouaille (Quimper), Lieu unique (Nantes), Théâtre de la Ville (Paris), Les Brigittines (Bruxelles) et la Chapelle Fromentin (La Rochelle).
Autour de la multiplication des gestes, de quelques objets simples et d’un vocabulaire chorégraphique, « WHA » laisse libre cours aux danseurs qui interprètent une partition joyeuse, exubérante exécutée à partir d’un travail d’improvisation. On retrouve ici Jean Michel Bruyère qui signe une scénographie qui mêle des chaises alignées, des tables empilées, deux statues de cerfs – qui resserviront pour la création de « Very Wetr ! » en 2012-13 –, des poches d’eau, des micros, etc. Au départ la pièce devait être jouée par neuf interprètes mais, à la fin des répétitions, il n’en est plus resté que trois… Au final, il restera sur scène Régine entourée de deux de ses interprètes les plus proches, Virginie Garcia et John Bateman.
Des danseurs s’agitent dans tous les sens, ne s’arrêtent jamais de bouger, se livrent à des actions frénétiques, au sol, en l’air, partout à la fois, sans interruption. L’impression de désordre est accentuée par la musique électronique de rave mixée en live ajoutée à des textes de J.M. Bruyère rendus presque inaudibles dans ce brouhaha incessant. Des éléments de mobilier sont utilisés par les interprètes qui jouent également avec les costumes de Jean Paul Gaultier issus des précédentes créations de la compagnie (« Le Défilé », « Délices » ou « KOK »), comme si la peau du BARC opérait sa mue en quelque sorte !
Au-delà du discours initial proposé autour de « WHA » comme la référence à l’idiotie dans l’art comme acte de résistance aux instances qui décrètent ce qui a de la valeur (Cf. le livre de Jean-Yves Jouannais, « L’idiotie en art », éd. Beaux-arts magazine, Paris, 2003) ou au mouvement Dada, la pièce propose de poser un regard sur l’histoire et les concepts qui forment l’univers de la création chorégraphique contemporaine. « WHA » invite peut-être simplement à (re)découvrir « le monde de Chopinot », danseuse-chorégraphe culte dont le parcours singulier s’écrit aussi bien autour d’une gestuelle que d’un parti pris intellectuel qui n’a jamais cessé de questionner l’idée même de la création. Trois principes sont édictés par Chopinot pour cette pièce : « marcher sans idée / acter sans début ni fin / suractifs sans rien produire » (citée par Annie Suquet, Le Mans : éd. Cénomane, 2010). Ce que l’on pourrait résumer ainsi :
« Etre là, sans aucun prétexte » (Régine Chopinot, programme de « WHA909», nov. 2006).
Presse
Le public est partagé, la critique aussi. Cette pièce en dérange certains et en réjouit d’autres.
« « WHA » est sans doute le plus radical des spectacles de Régine Chopinot. Il porte à son plus haut degré de révolte la volonté de résister à toutes les formes d’assoupissement à l’œuvre un peu partout dans la société. Il s’agit de ne jamais baisser les bras, au propre et au figuré, et de se demander : que reste-t-il à danser en 2004 ? Les interprètes sont littéralement traversés par des gestes qui, pour certains, ne durent parfois qu’une fraction de seconde. La vitesse mène le jeu. Il semble que toute réalisation, tout début d’action constituent une menace. Régine Chopinot renonce au moindre mouvement sitôt qu’il a pris corps. »
Muriel Steimetz (programme de Vidéodanse, Paris 2008)
« Une gesticulation de Régine Chopinot présentée à Paris […] Si « Chair/Obscur », en 2002, avait suscité de nombreuses réactions dans le public, – le spectacle abordait la question de la mort, du vieillissement et des charniers -, ici c’est plutôt la passivité qui prévaut. Les éléments de décor, les pièces de costumes de Jean Paul Gaultier (en quelque sorte, les restes plutôt encombrants de leur précédentes collaborations dont « Le Défilé »), toutes ces miettes qui ont pu donner sens et matières à la danse, sont ici livrés en pâture par trois personnages solitaires, en proie aux sueurs (très) froides de l’improvisation. »
M.-C. Vernay, Libération, 12 février 2004
« W.H.A. : une pièce qui pète la joie comme une extrême prise de risque, énorme canular anarchiste, ou brûlage des vaisseaux, tornade d’un départ à l’aventure, ou liquidation des acquis. Prise d’assaut magistrale de l’une des prisons les plus habitées du monde : l’esprit de sérieux. On a rarement vu un projet s’avancer de façon aussi imprévisible vers les plus grandes scènes. […] Tout ça pourquoi ? Pour l’une des plus surprenantes tentatives observées depuis longtemps sur une scène, donnant la sensation inespérée d’y voir un spectacle comme on n’en avait jamais vu (même à hanter les salles, depuis des années quasiment tous les soirs). Oh ! Pas grand chose en fait. Mais une énormité : le renoncement à faire sens. »
Gérard Mayen, mouvement.net, février 2004
Ce film a notamment été projeté en mars 2007 au Musée des Arts Décoratifs (Paris) dans le cadre de l’exposition « Jean Paul Gaultier Régine Chopinot. Le Défilé », 22 mars – 23 septembre 2007.
Pour l’anecdote, le film a été réalisé à la Chapelle Fromentin, avec des caméras de surveillance fixes disposées à plusieurs endroits dans la chapelle.
Le titre de la pièce proviendrait d’un voyage de Chopinot au Vietnam où « elle fut frappée par un avertissement inscrit sur les ailes de l’avion : « Warning hazardous area » (Attention, zone à risques). » M.-C. Vernay, Libération, 12 février 2004
Dernière mise à jour : février 2013