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Via
« Via » fait encore partie des premiers travaux de Régine Chopinot dans la lignée d’« Appel d’air » et de « Grand Ecart ». Présentée comme un exercice de style, cette coproduction du Festival Montpellier Danse – où elle est créée en juillet 1984 – et du Festival d’Avignon se veut à l’image de la vie, « saisie comme un grand divertissement » [1], à l’image des courts-métrages « lorsqu’une image fait immédiatement place à une autre, le plus rapidement et le plus efficacement possible » [2].
Cette vitalité puise sa puissance dans une ambiance « baroque », caractérisée par une musique enlevée – ponctuée de roulements de tambours, de cuivres ou encore de chansons à boire – des costumes hauts en couleurs signés par Jean Paul Gaultier et des éclairages en clair-obscur, oeuvre de l’éclairagiste Gérard Boucher qui rejoint la compagnie avec cette création. Le recours inédit à des projecteurs telescans aux facultés giratoires, particulièrement remarqué par la presse, permet de dessiner plus clairement les intentions de de mise en scène comme en témoigne la perception de l’historienne A. Suquet : « L’intensité des poursuites lumineuses qu’ils projettent sur la scène ne fait qu’activer la profondeur des noirs alentour : par moments, la clarté n’illumine rien d’autre qu’une absence, tandis que la pénombre fourmille. » [3]
Abat-jour fleuri en guise de jupe, col blanc d’écolière sur body noir, casquette à motif peau de panthère, salopettes-tigre, pansements-tatouages… , la fantaisie déployée dans les costumes de « Via » contribue à restituer une ambiance de spontanéité foutraque : « “Via” est un produit qui se consomme tout de suite, dans l’immédiat. C’est un spectacle dont il ne reste rien, ou plutôt dont il reste une énergie qu’on ressent mais dont on ne peut pas parler. » [4] Aux yeux d’A. Suquet, certaines similarités peuvent être perçues avec les recherches du peintre Robert Rauschenberg pour les spectacles de Merce Cunningham au tournant des années 1950 : « Même refus de l’homogénéité, même appétit pour le mariage et le recyclage irrévérencieux des matières, des images et des choses communes, même genre de brio déglingué. » [5]
[1] R. Chopinot, document de diffusion de la Compagnie Régine Chopinot,, 1984.
[2] O. Saillard (dir.), « Jean-Paul Gaultier, Régine Chopinot : le défilé », Paris : Les arts décoratifs, 2007, p. 56.
[3] A. Suquet, « Chopinot », Le Mans : Ed. Cénomane, 2010, p. 26.
[4] R. Chopinot, op. cit., 1984.
[5] A. Suquet, op. cit., p. 34.
Extrait de programme
« Jupettes en l’air et têtes en bas, la danse concentre son énergie pour s’emparer des corps. « Via », la voie, c’est à la fois la vie avec la naissance créative, et la rue dans ce qu’elle a de populaire. Avec des moments de drôlerie, de nostalgie, de dérive, d’angoisse, les corps mis en jeu nous racontent au travers de la danse beaucoup plus que des mots. »
Lise Brunel, programme du Théâtre du 8ème à Lyon (novembre 1984)
Dernière mise à jour : février 2013