Ce contenu contient des scènes pouvant choquer un public non averti.
Souhaitez-vous tout de même le visionner ?
Stances
Diptyque composé de « Stance I », pièce pour neuf danseurs d’une durée d’une heure, et de « Stance 2 », solo interprété par la chorégraphe.
Création de Catherine Diverrès pour la 9e Biennale nationale du Val-de-Marne en février 1997, « Stances » est un diptyque composé de « Stance I », pièce pour neuf danseurs d’une durée d’une heure, et de « Stance 2 », solo interprété par la chorégraphe. Celle-ci introduit son travail par cette formulation : « Cette pièce sera solaire, stellaire, avec ces coins d’ombres froides de nuit de lune, de nuit d’été. Abstraite. Fragments, de couleurs. De nombre, au repos stellaire. » [1]
La pièce est conçue dans le même climat de mutation que connaît la compagnie depuis 1994 et que traduisait déjà sa précédente création, « Fruits ». Son titre est à rapprocher de son étymologie latine : « stare », qui signifie « se tenir debout ». Dans l’esprit de la chorégraphe, il désigne la pièce comme « un point d’ancrage ». Pièce charnière, la pièce est présentée tour à tour « comme une sorte de plan d’ensemble de l’art et de la démarche de la chorégraphe » par la mise en oeuvre de son sens de l’espace, l’attrait du fragment ou comme un résumé de son parcours « de l’écriture du solo au travail de compagnie », un appel « à l’exploration de son langage chorégraphique en propre » [2]. Une synthèse de l’art qu’elle cultive depuis quinze ans.
Le dispositif scénique imaginé par Daniel Jeanneteau se veut minimaliste, boîte claire qui constitue un écrin à danser, mise en lumière par Marie-Christine Soma dont c’est la première collaboration avec la chorégraphe rennaise. « Derrière un tissu blanc translucide tendu sur trois côtés, flotte une ligne lumineuse horizontale à un mètre au dessus du plateau. On pense au studio où travaillent les danseurs, où s’élabore le processus de création chorégraphique. » [3]
Le premier volet repose essentiellement sur la reprise de différents solos enchâssés dans la mise en scène du groupe des neuf danseurs, pendant collectif de « Stance II » en réponse à une même vision du mouvement selon Philippe Brezanski : « une manière singulière d’éclater l’espace et le temps, de déconstruire la figure et la narration pour tendre au déséquilibre absolu d’une forme achevée, précise et tranchante. » [4]
Du solo « Stance II », la chorégraphe raconte qu’elle l’a conçu dans le silence complet du studio de répétition de Rennes. A la recherche d’un accompagnement sonore, Alessandro Bernardeschi lui donne alors à entendre un enregistrement de Pier Paolo Pasolini lisant « La Terra di lavoro », un auteur dont elle s’est sentie très proche dans les années 1980 et dont le texte « Orgie » a notamment inspiré « Fragment ». Elle adopte l’enregistrement à la première écoute et le compositeur Eiji Nakazawa l’accompagnera délicatement de rares notes de piano.
Irène Filiberti rapproche ce solo chargé de réminiscences de danse moderne, de la figure de la danseuse allemande Dore Hoyer. Elle le décrit ainsi : « En solo, Catherine Diverrès déplie le temps. Sa présence, ses gestes ouvrent des espaces abstraits qui tiennent de l’ineffable et de l’irréductible. Avec les danseurs du Centre chorégraphique, elle nous offre de saisir au plus intime le mouvement d’une écriture qui inscrit les forces et l’énergie des danses au coeur des grands bouleversements universels, qu’ils soient d’ordre politique ou tellurique. Depuis la mémoire des corps jusqu’à l’effraction poétique, les espaces mentaux que dessinent les pièces de Catherine Diverrès s’appuient sur le doute pour maintenir la danse en éveil et une pensée en perpétuelle exploration. » [5]
La fortune que « Stances » a rencontrée l’a érigée en référence de la danse contemporaine française du XXe siècle. Accueillie avec enthousiasme par la critique, la pièce tourne pendant dix ans à travers la France, et notamment au Festival d’Avignon en 1997, mais aussi en Europe (Anvers, Erlangen, Varsovie, Budapest, Londres) et à travers le monde (Brésil, Tunisie, Colombie, Argentine).
Claire Delcroix
[1] C. Diverrès, dossier de création 1997.
[2] Programme de la Maison de la culture d’Amiens, 22 octobre 1997, p. 16.
[3] Programme de l’Institut français de Varsovie, 3 mars 1997.
[4] Philippe Brzezanski, programme de la Biennale du Val-de-Marne pour « Stances », 19-22 février 1997.
[5] I. Filiberti, programme du Chorégraphique de Tours, 10-26 juin 1997.
dernière mise à jour juin 2014