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Solum
Enregistré au CND le 16 avril 2005
Malgré dix années d’écart d’âge, Mustafa Kaplan et Filiz Sizanli forment une paire durable, de référence, dans la communauté chorégraphique d’Istanbul. Ensemble, en 2005, ils avaient déjà créé et joué cinq pièces en dix ans. Vues à l’étranger, « Dolap » (trio dont le troisième membre est un … énorme réfrigérateur), et «Sek Sek », sont emblématiques du renouveau chorégraphique turc. Ce n’était pas rien de les voir revenir au solo, dans une nouvelle pièce qu’on découvrait pour Istanbul Danse au CND à Pantin.
La curiosité redoublait lorsqu’à l’arrivée leurs travaux respectifs, travaillés chacun de son côté de manière rigoureusement séparée, souvent à des milliers de kilomètres de distance se sont avérés néanmoins intégrés en une seule et même pièce.
C’était un pari de composition, et cela s’appelle « Solum », ce qui en latin signifie seul (dans l’acception adverbiale), mais aussi sol, ou terre.
« Le corps est le sol. Mon corps est ma terre » expriment les deux artistes, en exergue. « A quelle distance du corps se produit le mouvement, et qu’est-ce qui se situe entre les deux ? Puis-je mentir avec mon corps ? Puis-je souffrir avec mon corps ? Puis-je le détruire ? Quelles sont les déficiences, les déceptions et les prétentions du corps ? » sont autant de questions qu’ils pointent.
Filiz Sizanli s’est particulièrement intéressée au rapport du vrai et du faux. Elle s’inspire de la pensée des arts plastiques, entre réel et imaginaire. Elle a largement débordé au-delà des répétitions en studio pour cerner ce que peut être un mouvement faux, une illusion aspirée par la perspective, une perte de corps dévoré par l’espace. Quelle vérité du corps demeure, dans la fausseté d’une situation à maintenir ?
De son côté, se soumettant à des contraintes, des liens, des déformations d’apparences, Mustafa Kaplan travaille sur ce que, dans son enfance, il pouvait s’imposer, qui fisse mal et procurât des sensations extrêmes. Soit un approfondissement de sa longue approche du corps comme un champ d’explorations, l’engageant dans la répétition de tâches et le détournement d’actions de courses, de sauts, d’allongements, où s’éprouvent des principes basaux de chute libre, de collision, d’acceptation de la gravité, dans des sollicitations hautement physiques, voire chargées de risques.
Dans ce qu’il désigne comme une « dramaturgie de l’énergie », sa mise en pratique et en tension d’une notion de corps-surface évolue vers une pensée du corps politique.
Gérard Mayen