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Souhaitez-vous tout de même le visionner ?
Soli II
Présenté en juin 2006 au CND dans le cadre du Festival Danse HipHop Tanz, ce solo insolite n’a cessé depuis de connaître un immense succès. Le CND vous propose de le revoir, à l’occasion de sa centième représentation.
Chorégraphié par Anthony Égéa de la compagnie Rêvolution pour la danseuse Émilie Sudre, Soli IIréussit son exploit : brandir tous les clichés féminins pour finir par les épuiser dans la virtuosité sèche du défi physique. L’intelligence du corps hip hop décliné en talons-aiguilles et minirobe noire – une panoplie à l’opposé du look sportswear ad hoc pour le style acrobatique qu’est le break – , resplendit d’une beauté guerrière […] Aucune séduction facile dans ce solo porté par les sons de Tedd Zahmal. Une âpreté intérieure perceptible rend la danseuse invulnérable, intouchable. Sa jupe peut se relever au maximum lors de ses pirouettes sur la tête, elle peut même atterrir dans les coulisses… Émilie Sudre, seulement vêtue d’un slip et de genouillères noirs, reste simple et fière. Jamais sa nudité, dans quelque position que ce soit, n’occulte la danse et sa qualité d’écriture, qui la protègent comme une armure invisible.
Rosita Boisseau, Le Monde, 1er février 2007.
« Au son des talons hauts – ceux qui ont vu le film L’homme qui aimait les femmes comprendront – avant même la silhouette moulée, à contre-jour, la figure est posée. Féminine jusqu’aux clichés, Émilie Sudre est venue en découdre. Marche de torero autour du tapis blanc, cambrée, regards de défi au public. Il faut, par parenthèse, imaginer ce qu’est alors l’arène d’une salle pleine de hip-hopeurs survoltés et venus le spectacle des virtuoses s’affrontant… et l’aplomb nécessaire pour être comme Émilie, là. Elle se jette d’un coup sur le rectangle, comme un tatami, et enchaîne les variations du hip-hop avec une lenteur qui témoigne d’une maîtrise impressionnante. Du haut des hauts talons, la gestuelle de rue devient comme une calligraphie, une épure de funambule. Encore plus fort, elle enlève une chaussure… On imagine très bien que cet étalage de virtuosité ait fait taire bien des relents de machisme. C’était le but.
À force de se prendre les bras dans sa robe moulante, la voilà femme voilée sur un air oriental. Et la gestuelle hip-hop dans cet appareil devient manifeste pour une émancipation. Puis elle en arrive là, de dos, à moitié nue. Elle danse encore, avec une pudeur délicieuse, cachant le plus que la danse le permet, ses seins. La scène est d’une grande beauté, mais la démonstration est faite et il n’y a plus guère à en dire. Et cela s’achève ainsi.
Soli 2 est la partie centrale d’un triptyque qu’Anthony Égéa a dévolu à une remise en cause des clichés du hip-hop. Devenu autonome, la démonstration que fait Émilie Sudre s’attaque au sexisme souvent dénoncé de ce milieu, mais l’intensité de la présence, le jeu de domination de l’interprète sur le public et qui évoque la tauromachie, dépasse largement l’objectif initial. C’est aussi la Femme jouant de son attrait comme une arme, de sa séduction comme d’un pouvoir, qu’exprime ce solo. Si parfois, cela évoque Matador d’Almodovar, cela explique aussi pourquoi – et le passage dans le solo n’en est que plus important – dans certaines cultures dont sont issus certains membres de la culture hip-hop, la femme est contrainte, abaissée et voilée ».
Philippe Verrièle, juillet 2007