Ce contenu contient des scènes pouvant choquer un public non averti.
Souhaitez-vous tout de même le visionner ?
Self-Unfinished (1998)
Sur un plateau dépouillé à l’extrême, une chaise et un bureau pour tout mobilier, un être humain d’abord occupé par des mouvements et sons mécaniques, interrompt ses automatismes pour activer un ghettoblaster. Dans ce solo magistral, parmi les plus célèbres de Xavier Le Roy, le corps de l’interprète se transforme jusqu’à atteindre un état radicalement organique et s’éprouve comme masse simplement vivante, au croisement du végétal, de l’animal et de l’humain. De torsions en tensions, de plis en plats, Xavier Le Roy l’affranchit des ordres imposés, tel un « corps sans organes », figure chère à Artaud et à Deleuze, c’est-à-dire librement désorganisée. Au fil de ses métamorphoses, il révèle ainsi toute l’étendue de son potentiel plastique, être hybride et labile, arraché à ses significations sociales. Saisi dans des temps étirés, requérant une attention de chaque instant, il offre en partage le spectacle de ses singularités, pleinement émancipé des dualités qui le définissent ordinairement (nature/culture, sujet/objet, humain/machine…).
(source : programme du CND – 2019)
« La scène illuménée par une lumière étincelante ne donne pas de clés de lecture. L’homme mécanique qu’on voit au début est subtilisé par le retour aux activités habituelles : marcher, s’asseoir, atteindre la stéréo. Quand tu commences à faire des contorsions avec le costume on voit un extraordinaire organisme hybride, qui permet une multiplicité d’interprétations. Pour moi, il alterne entre un insecte, un martien, un poulain, un arrosoir, une chenille, une poupée etc. . Ce qui le sauve de devenir un spectacle à la Pilobolus (un groupe Américain très populaire qui combine les corps pour créer de bizarres formes biomorphes) sont les moments de calme et les durées prolongées. Il faut être assis attentivement en attendant le mouvement prochain. Comme en regardant une araignée ou un escargot. La sensibilité pour le moment est hallucinante : il n’y a pas de problème d’attention abrégée. »
Yvonne Rainer (email 22.12.1999)
Extraits de presse
« Une chaise, un bureau, une bande sonore qui ne démarre pas. Un danseur, en chemise, imite, avec de forts bruitages, le déplacement d’un robot. Un propos fort compréhensible, voire conventionnel, avant que la pièce de Xavier Le Roy (1963, France) ne bascule dans un saisissant espace mental. Cul par-dessus de tête, le corps de danseur se métamorphose en temps réel en une série d’aberrations morphologique hallucinogènes, les images d’un organisme qui reconstitue sa forme suivant des lois inconnues et selon un rythme inquiétant et inhumain. Il fait de longues stases, de déplacements infinis et commence à ramper brusquement. Au-delà de la torsion qu’il effectue sur le « spectacle de danse », Xavier Le Roy ouvre un champ inédit où des données scientifiques et sociales se transfèrent et s’impriment dans l’imaginaire des représentations du corps ».
François Piron dans le journal des arts de Connivence, 6e biennale de Lyon
« Laissez moi prendre l’exemple d’un autre chorégraphe: Xavier Le Roy. Il se déplace en deçà du langage. Voyez son célèbre solo, Self Unfinished. Son attention porte sur les isomorphismes des extrémités corporelles. Il plie son corps de façon à réellement comprendre que celui-ci possède une histoire cellulaire. Son travail m’a permis de comprendre effectivement que c’est une chose miraculeuse si la tête se trouve au sommet des épaules, et les pieds en dessous des hanches… Et donc, de manière tout à fait consciente et délibérée, il a créé une fugue des possibilités isomorphiques du corps. A la fin du spectacle, il nous restitue le corps humain sous sa forme méconnue. Et j’ai senti qu’il nous offrait l’occasion d’assister à la création en train de s’écrire, parce que la majeure partie de la création se situe à un niveau biologique. Nous voici arrivés à ce point précisément où ce qui pourrait être dit n’est pas d’ordre technique: c’est juste évident pour le corps. La chorégraphie de Xavier Le Roy montre une évolution du corps qui va de soi. »
Extrait de « Forsythe, Révolution de Principe » dans mouvement n°18, septembre/octobre 2002
Source : site de Xavier Le Roy