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Sans titre, 2000, avec Nuno Bizarro

Boucle 1

Année de réalisation
2000

Sans titre, 2000, avec Nuno Bizarro fait partie de la série d’œuvres vidéo de Laurent Goldring Boucles de corps

Cette boucle est issue du travail entre Laurent Goldring et Nuno Bizarro, à Paris en 2000. 

Boucle présentée dans la cadre de L’exposition # 26, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris (France), 2002. 

Boucles de corps 

On  croyait savoir reconnaître les différentes parties d’un corps, mais  Laurent Goldring fait vaciller cette évidence. L’impression d’étrangeté  provient des postures sans significations, de l’espace sans direction,  des mouvements sans finalité ni aboutissement qui mettent tous les  organes sur le même plan. Tous ces principes qui organisent la prise de  vue convergent pour remettre en question des hiérarchies qui organisent  le corps. L’art se charge en général de légitimer ces hiérarchies :  normalement la tête s’oppose au sexe, les épaules aux fesses, et la main  au pied. Toutes ces oppositions structurantes imposent des images pré-visibles  où le corps est érigé en porteur de signes. Ici, au contraire, le nu  apparaît avec toute sa matérialité et dans ce qu’il a d’excessif, de non pré-vu, de toujours nouveau. L’image (du corps) n’est pas une représentation. L’image est un organe. 

Elle  ne devient représentation qu’en un second temps, quand elle acquiert la  capacité qu’ont toutes les fonctions du corps humain de se détacher  sous forme d’objets techniques avant de faire retour comme prothèse. Et  comme l’image se réincarne aujourd’hui par les effets combinés du génie génétique,  de la chirurgie plastique, du relooking total et du fitness, il est  d’autant plus urgent de la penser au ras du corps. Laurent  Goldring, en studio, dirige son modèle par l’intermédiaire de l’écran  vidéo : l’image ne ressemble plus au corps mais c’est au corps de tenter  de ressembler à l’image vers laquelle l’artiste le dirige. Il s’agit de  rendre de plus en plus visible (par les indications à l’image qui sont  suivies par le corps qui « écoute », l’écran et l’artiste, et qui le  traduit en mouvements) ce qui émerge à l’écran et qui doit devenir  évident pour tout le monde : ce qui ne veut pas dire que ça doit  susciter les mêmes affects ou que ça doit avoir la même signification  pout tout le monde, mais plutôt rendre évident le non pré-vu, et le non pré-visible. 

« Petit à petit, à force d’observer ce n’est plus un organisme que l’on voit, mais une espèce de noeud de chair sans direction. Plus rien n’a de nom, pattes, jambes, cous, poils, cheveux, on ne sait par  où prendre ces corps pour les décrire. (…) On ignorait encore tout ce  que peut un corps, ce que peut devenir un torse, un bras selon son  orientation, une nuque selon ses oscillations, et même rien qu’une toute  petite surface de peau. Aucune de ces formes ne se ressemble, pourtant  toutes sont travaillées par une incessante confluence de forces qui les  fait tenir et persister. Des blocs de corporéité, définis par des  tensions, des tractions, des affaissements, des contractions, plus que  par des formes, ou des images. » Sophie Charlin, Balthazar, 2001. 

La  boucle s’est imposée comme la forme la mieux adaptée à ce regard. Les  infra mouvements, micro-oscillations quasi statiques, produisent des  images incompatibles que la répétition rassemble dans la vision d’un  corps improbable qui prend le pas sur la figure humaine pour s’installer  dans une nouvelle évidence. La boucle offre donc une véritable  expérience visuelle couplée à une expérience de pensée, mais aussi et  peut-être surtout une expérience temporelle. Elle ne s’inscrit ni au  passé comme la trace photographique, ni dans le futur où se cache le  ressort de l’image cinématographique qui ne se comprend que par l’image  qui suit et le climax final tout au bout du suspense. La boucle est  l’expérience d’un présent sans rupture, qui intègre l’accumulation des  métamorphoses. La répétition provoque le plaisir d’un regard libre de  toute interprétation imposée. À partir de la boucle, on peut ainsi, tour  à tour, questionner la photographie comme annulation des métamorphoses  multiples du réel, et le cinéma comme occultation de ces différentes  vérités au profit d’une reconstruction purement consensuelle. 

Ceci  au moment où le « design » s’empare du vivant après s’être emparé des  objets, où les corps sont formatés par les biotechnologies, le génie  génétique, la chirurgie plastique et réparatrice, la cosmétique, et les  tatouages, ce qui inclut les gestes du travail et de la séduction, les  comportements et les relations entre sujets. De la même façon que les  peintres ont dû se confronter au design quand les objets se sont mis à  se représenter eux-mêmes et à prévoir leur apparence, de la même façon  c’est aujourd’hui toute la représentation des corps qui est contrainte  de choisir entre accepter cette prévisibilité (la définition de l’art  pompier au XIXème et aujourd’hui) ou tenter d’y échapper (la révolution  moderniste). Mais cette alternative a du mal à se formuler quand les  nouvelles normes sont relayées par l’injonction contemporaine à jouer  avec les images déjà faites plutôt que d’essayer d’en créer de  nouvelles. 

Réalisation
Année de réalisation
2000
Direction artistique / Conception
Laurent Goldring
Interprétation
Nuno Bizarro
Production de l'œuvre vidéo
Production Laurent Goldring
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