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Rossignol
Sous ce titre pastoral, Régine Chopinot signe l’un des premiers ballets aériens contemporains, à l’issue d’une résidence de trois mois au Centre national de danse contemporaine (CNDC) d’Angers pendant l’hiver 1985. Il sera présenté à Paris au Théâtre des Champs-Elysées en janvier 1986.
Dans une ambiance sonore dépouillée de toute dramatisation conçue par André Serre, dix danseurs harnachés se livrent à des vols et des acrobaties dans des costumes bigarrés signés par Jean Paul Gaultier dont c’est ici la troisième collaboration avec la chorégraphe. Un échafaudage de 8 mètres de haut garni de passerelles, dessinant une cage, de l’avant-scène jusque dans les cintres, rend possibles ces exploits. Des micros pastilles nichés dans des endroits clefs de cet échafaudage « déforment et amplifient le son des voix, le grincement des poulies, le bruit des pas, les cliquetis métalliques. Hormis quelques clins d’œil musicaux, ce gargouillis est la seule sonorité de “Rossignol”. » [1]
Ce dispositif imposant, loin de faire écran à la chorégraphie qu’il abrite, autorise une conquête inédite de l’espace dans toutes ses dimensions, conjuguée à une liberté de mouvements qui la distingue des machineries baroques. Grâce à la complicité des machinistes manipulant les coulisses des harnais dans les cintres, les corps se muent parfois comme par magie sans toutefois écarter une mise en danger générant une tension. La chorégraphie affranchit les danseurs de la gravité et remet en jeu leur rapport fondamental avec le sol. A cet égard, la notation de « Rossignol » par la choréologue Noémie Perlov aura pu faire figure de défi. Bien qu’elle en soit porteuse, cette partition n’est pas encore exactement le reflet de l’intérêt que portera Régine Chopinot aux traces, mais plutôt un outil supplémentaire pour disséquer le mouvement et le remettre en question.
Avec « Rossignol », Régine Chopinot aventure son art dans une nouvelle dimension poussant certains à qualifier l’œuvre de « Beaubourg chorégraphique » [2] celle des grands spectacles avec force décors, costumes et interprètes, qui la conduira doucement vers le monumental « ANA » (1990).
[1] J.-M. Adolphe, Rossignol, Pour la danse, n° 113, mai 1985.
[2] B. Paulo-Neto, Journal du Théâtre de la Ville, n° 69, septembre 1985.
Dernière mise à jour : février 2013