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Plasticization

Chorégraphie
Réalisation
Réalisation Centre national de la danse
Année de réalisation
2005

enregistré au CND le 23 juin 2005

Présenté en réponse à l’invitation de Faustin Linyekula dans le cadre de la carte blanche qui lui est ouverte en juin 2005 au Centre national de la danse, « Plasticization » est le cinquième solo de Nelisiwe Xaba mais le premier présenté en Europe : la jeune chorégraphe sud-africaine y est alors essentiellement connue comme égérie de Robyn Orlin. Aux côtés du styliste Carlo Gibson – créateur de mode de Johannesburg connu sous le nom Strangelove – elle imagine une pièce relevant autant du théâtre d’objets que de la performance ou des arts plastiques.

Dans « Plasticization », N. Xaba surgit de nulle part à l’arrière-banc et déambule parmi les spectateurs accoutrée d’une sorte de justaucorps taillé dans un cabas fait de tresses plastiques tricolores, qu’une cagoule « intégrale » à longues oreilles complète tout en masquant son visage. Quand elle rejoint la scène, elle se transforme au rythme de la partition des « Danses polovtsiennes », de bunny-girl toute en verticalité à un cabas-théâtre ambulant au sol. Ainsi empaquetée, elle convoque plusieurs « personnages » de façon minimaliste, par la simple manipulation d’un chausson de pointe, d’une chaussure à talon, d’une botte en caoutchouc et d’une basket fatiguée, qu’elle met en scène avec humour sur des « tubes » du répertoire classique.

Inclassable, à l’image de beaucoup de travaux de N. Xaba qui refuse de se laisser enfermer sous une quelconque étiquette, « Plasticization » traite de notre rapport au corps contemporain, dans sa dimension politique, érotique et sociologique. Notre rapport aux matériaux aux performances « plastiques » est ici pointé métaphoriquement. A propos du préservatif – qui avait déjà inspiré à Robyn Orlin sa pièce « We must eat our suckers with the wrappers on » en 2001 –, Nelisiwe Xaba constate qu’il est autant un barrage contre le sida qui ravage l’Afrique du Sud, qu’un « écran » supplémentaire entre les êtres humains, tout comme l’usage des gants, ou des lingettes qu’elle intercale entre sa bouche et celle des spectateurs élus pour la distribution de baisers qui ouvre la pièce. Toutes ces protections participent d’une tendance mondiale à l’aseptisation et à l’individualisme.

En filigrane apparaît également le caractère consumériste d’une matière qui inonde le marché mondial sans que la nature soit en mesure de l’assimiler. Salutaire ou dégénérant, N. Xaba se garde de trancher mais témoigne d’une grande créativité en offrant un aperçu des infinies possibilités « plastiques » qu’autorise ce matériau.

Souvent associé à la pièce « They Look At Me And That’s All They Think », « Plasticization » connaît une belle fortune sur le territoire et sera programmé au Centre chorégraphique national (CCN) de Caen en 2006, au Centre de développement chorégraphique (CDC) de Toulouse, au Carré de Saint-Médard-en-Jalles et au Séchoir de Saint-Leu de La Réunion en 2007, ainsi qu’aux Hivernales d’Avignon en 2010. En Belgique, le Kaaitheater de Bruxelles l’accueille en 2008.

La collaboration de N. Xaba avec le créateur Strangelove se poursuivra par la suite sur les créations de « They Look At Me And That’s All They Think » (2006), « Black !… White ? » (2009), « Scars and cigarettes » ou encore « Uncles and angels » (2013).

Extraits de programme

« Xaba voit son œuvre comme un moyen de dénoncer le regard voyeuriste et les clichés (de l’Occident) sur le Sud noir et de critiquer le capitalisme galopant et la pression commerciale accrue qui règnent dans son pays. Dans “Plasticization”, elle se couvre de sacs en plastique déchiquetés, jusqu’à presque disparaître. Le plastique symbolise la consommation à outrance, mais aussi la stérilité et l’hygiène. Le plastique enveloppe et protège, mais isole. Comment créer de l’intimité au travers de ce matériau synthétique ? Le contact direct a-t-il encore du sens ? »

Source : site internet du Kaaitheater, Bruxelles

« Dans “Plasticization”, Nelisiwe Xaba – du moins on le suppose puisque jamais on ne verra son visage – surgit couverte d’un masque malhabile qui fait penser aux masques africains. Ce corps improbable : quatre pieds, pas de tête, des oreilles d’âne… surgit d’entre les spectateurs et se lance dans une petite cérémonie de baisers au goût particulier… Une jambe noire, une jambe rouge, chaussée d’une chaussure à talon et d’un chausson à pointe de danse la voici instable allant sur la scène et nous montrant les objets modernes de l’hygiène qui évidemment peuvent faire sourire dans un pays où la pauvreté est criante, le SIDA fléau national… dix-sept minutes à vous couper le souffle »

Source : « Le mot d’Emmanuel Serafini », programme du Centre de développement chorégraphique Les Hivernales, 14-15 février 2010.

« Dans le grand concert de la danse en Afrique, Nelisiwe Xaba apporte une vision acide et féminie du statut du corps noir et se présente en digne héritière de Robyn Orlin. La pièce “Plasticization” évoque une société devenue matérialiste et plastique. Dans cette quête quotidienne et effrénée de l’aseptisé, du stérilisé, du toujours plus sûr, le plastique est devenu un héros. (…) Ces deux soli portent un regard critique et néanmoins amusé sur notre société et relativisent beaucoup de clichés »

Source : Programme du Centre de développement chorégraphique Les Hivernales, 14-15 février 2010.

Extraits de presse

« Dans son solo “Plasticization”, Nelisiwe Xaba se taille une cagoule et une jupe dans ces fameux sacs en plastique très prisés du côté de Tati Barbès. Et finit par s’y cacher ! Critique bienvenue d’un monde aseptisé et d’une société de consommation. »

Philippe Noisette, Les Inrockuptibles, 30 janvier 2007 (n°583)

« Le solo est un acte de discours, une argumentation visant à convaincre de l’effet dévastateur d’un mode de vie aseptisé. À l’orée du spectacle, la danseuse, dans son tutu d’un nouveau genre, déploie une lingette et embrasse plusieurs spectateurs en se servant de l’objet comme écran. Dans ce rapport de la gêne et de l’intime, dans l’acte de rapprochement que la danseuse opère, elle affirme l’écart avec l’autre dans nos sociétés modernes ».

Fatima Miloudi, site internet Les trois coups, 14 mars 2010

Bibliographie

Elliott, Nicola. « Humour’s critical capacity in the context of South African dance, with two related analyses », Mémoire de la Rhodes University, 2011.

Dernière mise à jour : février 2014

Chorégraphie
Réalisation
Réalisation Centre national de la danse
Année de réalisation
2005
Durée
20 minutes
Musique
« Chorus of slave the girls », A. Borodin ; « Jesus, Joy of Man’s desiring », J.-S. Bach ; « Anvil Chorus », G. Verdi ; « Lacrimosa (Requiem) », W.-A. Mozart
Interprétation
Nelisiwe Xaba
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