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Performance pour 27 chaussures
Qu’ils s’agissent de mannequins ou de militaires, le défilé qu’ils ordonnent est un déplacement de troupe, une parade commémorative ou strictement au service des apparences de la mode. Vêtue d’une chemise blanche et gainée de collants noirs, Mathilde Monnier s’approche nu-pieds. Autour d’elle des chaussures sombres comme des ombres préfigurent les pas à venir. Tandis qu’elle chausse à tour de rôle les mocassins, les bottines, les Richelieu en nombre, sa progression lente est un acheminement droit, rectiligne conformément aux défilés usuels. Pourtant seule sur scène, Mathilde Monnier défile en groupe. Ses semblables sont les pas de cuir encre qu’incarnent les chaussures. Ce sont les archétypes de carbone dont le sol effleuré garde l’empreinte poétique du passage. Au fur et à mesure de sa déambulation, une marche silencieuse de souliers à terre l’accompagne, la devance ou la contredit.
Les acteurs muets de cette randonnée mystérieuse épousent ses pas, glissent sur et sous ses pieds. Ils la forcentaux positions ordinaires ou rêvées du marcheur arpenteur. Courbée, allongée, debout, Mathilde Monnier poursuit un chemin de solitude modifié à peine par les humeurs d’un corps chaussé, érigé ou converti. Sans distraction aucune, comme les militaires droits dans leurs bottes, comme les mannequins plantées sur leurs talons aiguilles, Mathilde Monnier avance au ras du sol, tête haute. À plat, sur des « semelles de vent », elle donne au défilé des traits de jambes nouveaux. Ce costume du temps arrêté et suspendu de la déambulation agit comme le souvenir d’une marche immobile et pourtant active, solitaire et pourtant collective.
Performance proposée dans le cadre de « L’Invitation aux musées », programmation du CN D en 2018.
LE MUSÉE : Musée éphémère de la mode
Récemment activé au sein du Palazzo Pitti à Florence, à partir des collections de la Galerie du costume et de la mode, le Musée éphémère de la mode entend remédier à son niveau à la rareté des institutions dédiées à la création textile. Lancé à l’initiative d’Olivier Saillard, performeur, historien et ancien directeur du Palais Galliera, le projet se distingue par l’inventivité de son accrochage, pensé à rebours des académismes de la muséographie institu- tionnelle. Sa présentation s’émancipe ainsi à la fois des hiérarchies et des chronologies pour penser une dramaturgie en prise directe avec le lieu qui l’accueille. Costumes et acces- soires sont non seulement associés selon des affinités chromatiques ou la proximité des matières, mais aussi et surtout de façon sou- vent intuitive, sans prétendre à une mise en ordre raisonnée. Servi par une scénographie aussi élégante qu’inattendue, ce musée mobile invite à un parcours d’un tout nouveau genre qui remodèle notre rapport au vêtement et le regard qu’on peut porter sur lui. Le Musée éphémère de la mode installe en effet une temporalité d’exposition en complète rupture avec le rythme effréné des défilés, pour offrir aux pièces l’occasion d’une contemplation patiente, sinon attentionnée. Avec ce projet itinérant, unique en son genre, Olivier Saillard cherche à résoudre de façon originale l’équation entre le caractère fugitif de la mode et la pérennité des collections patrimoniales, à réaliser en quelque sorte la synthèse du fugace et de l’éternel.
Source : programme du CND