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OSCYL
Héla Fattoumi et Éric Lamoureux poursuivent leur recherche sur la question de l’altérité, notion qui jalonne leur parcours depuis le début. L’altérité entendue comme état, qualité de ce qui est autre, différent, extérieur à « soi ».
Pour cette nouvelle création, ils ont conçu des sculptures biomorphiques à échelle humaine inspirées de la sculpture Entité Ailéede Hans Arp ; Ils les ont nommés Oscyls* en lien avec leur capacité d’osciller et de s’animer au contact des danseurs. Ils s’aventurent ainsi à la croisée des disciplines dans une tentative de décloisonnement entre la danse, les arts plastiques, le théâtre d’objets, le théâtre de marionnettes.
Entourés de ces présences intrigantes et de toute leur équipe, ils ouvrent un nouvel espace d’expérience, véritable terrain de jeux inédits et multiples reliés à l’approche du sociologue Roger Caillois.
Ce dernier met en évidence quatre ressorts relatifs à ce qui prédominent dans le jeu : la compétition (agôn), le hasard (alea), le simulacre (mimicry) et la recherche du vertige (Ilinx).
Oscillant entre deux pôles selon la présence plus ou moins forte de règles préétablies ou qui peuvent s’inventer, ces jeux seront prétextes à faire surgir une variété relationnelle, propice à reconfigurer les liens qui organisent le collectif…
N’est-ce pas là, l’un des enjeux qui traverse notre monde en bouleversement ?
Quatorze présences composent un paysage mouvant. Elles s’animent, révélant deux groupes radicalement distincts, mais en relation. Le premier est humain et, comme toujours chez Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, divers : le collectif de danseurs forment un bloc d’humanités. À leurs côtés, les Oscyls patientent, immobiles depuis quelques secondes ou plusieurs centaines d’années ; seule une énergie externe peut les animer. Si l’homme est généreux et leur offre son souffle, alors ils basculent, arpentent et tourbillonnent. Sont-ils des pantins abstraits, des culbutos géants, des organicités librement inspirées d’une sculpture de Hans Arp? Ils n’ont pourtant ni fondation ni socle. Leur ancrage est aussi leur mobilité.
Les danseurs vont au contact. Ils cherchent à inventer un langage, par le toucher. Chaque signal, chaque impulsion, chaque approche appelle une réaction qui provoque le dialogue. Les oscyls sont-ils des partenaires, des miroirs, des alter-ego? Étreinte, esquive, effleurement, abandon, chaque danseur en transmettant son imaginaire, imprime à son Oscyl la marque de sa singularité. Que se joue-t-il entre eux : pas de deux, dressage, manipulation ? On ne sait plus qui déclenche et qui réagit, la relation est étrange, inédite.
Semblables à des marionnettes, auxquelles l’homme, prête un dessein, ils réagissent au mouvement, l’amplifient, le transforment, le déjouent et parfois le prolongent. Mais, si la marionnette répond précisément aux intentions de son
« manipulateur », les Oscyls, eux, une fois lancés, semblent dotés d’une étrange autonomie.
Le mystère reste entier : une fois déclenchés, ils ont le pouvoir de dilater ou de comprimer le temps, entraînant les danseurs dans des danses réactives variant d’une grande délicatesse à une ivresse jubilatoire.
Les Oscyls, par leur présence imprévisible, ont une force et un secret à transmettre : s’ils s’inclinent, se couchent jusqu’à manger la terre, ils se relèvent, toujours, pour recommencer.