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Notre amour
Notre amour (2009) est un documentaire d’Arnold Pasquier sur le travail de création de la pièce de Christian Rizzo, « Mon amour », créée à l’Opéra de Lille le 28 février 2008. Il a été tourné au CNDC d’Angers, à la Chaufferie de Saint-Denis, à l’Opéra de Lille – janvier – mars 2008.
« Arnold Pasquier filme les répétitions et les représentations d’un spectacle de Christian Rizzo, Mon amour. Des corps qui marchent, s’enlacent et s’entrelacent, se cherchent, expérimentent ; des visages au travail, beaux, concentrés et rieurs, peinturlurés de paillettes, masqués d’une tulle de couleur tombant des capuches ; des plantes en pot, de la fumée, des sphères noires : tout un monde mystérieux d’actions insensées qui s’enchaînent. Feignant d’y mettre bon ordre, surgit ici et là le chorégraphe, artisan de cette communauté possible dont les membres se frôlent et cherche à se retrouver. On entend le chant de Mark Tompkins, sérieux comme un prédicateur, qui nous entraîne vers l’issue merveilleuse, la fable, surgissant des volutes. Un danseur interpelle, lui-même ? ses amis ? nous ? C’est au creux des solitudes que Notre amour se pose, bercé par une chanson murmurée, « oh mon amour, oh mon amour… ». »
Note du vidéaste (2019) :
« Le tournage a suivi le calendrier des répétitions du spectacle chorégraphique « Mon amour » de Christian Rizzo. Pendant trois mois, dans trois lieux (deux studios et le plateau du théâtre) les sept interprètes, le chanteur et les musiciens inventent le spectacle. Je filme tout, ou presque. La danse, le chant, la musique, la scénographie. L’ensemble est rassemblé rapidement par le chorégraphe qui a besoin de travailler en confrontation de tous ces éléments. Puis, par ajouts, réductions, déplacements, le spectacle se construit. Je repère rapidement ce qui m’intéresse. J’isole des motifs que je retrouve de jour en jour. Le groupe comme un bloc, la marche, la tendresse, les étreintes renouvelées, les regards. Les boules noires, les plantes, les chaises et la table de la scénographie, puis le brouillard s’additionne et construisent de nouveaux espaces dramatiques. En filmant, je suis enthousiasmé par la dimension narrative des propositions chorégraphiques. Le fait d’isoler les visages, la qualité de la danse de Christian Rizzo ouvrent des territoires de fiction. Je propose à un écrivain, Julien Thèves, après lui avoir présenté le groupe au travail à Saint-Denis, d’écrire une scène qui viendrait clore le documentaire. C’est pour moi le moyen de « faire quelque chose » de cette impression de fiction et me donne une piste pour la construction du film à venir, éclairé par ce contrepoint narratif. Julien propose une rencontre dans un appartement où se rejouent brièvement les arguments de la matière chorégraphique. Le monologue d’un danseur devient comme un médium et fait ressurgir les mois de travail de l’équipe et le rêve de la création collective comme parenthèse bienheureuse. Une chanteuse, surgie de nulle part, interprète a capella, assise sur le rebord d’un canapé, comme un chat, une dernière chanson qui conclue la traversée amoureuse. Pour la partie plus « documentaire », je filme près des danseurs, parfois caméra à la main ce qui me permet une proximité avec le mouvement. Puis sur pied, autour du plateau, à distance et souvent en longue focale, pour isoler et suivre par des panoramiques la circulation des corps. Ce moyen, en isolant le mouvement, le rend un peu abstrait, mais l’énergie graphique qui s’en dégage me paraît être une bonne traduction de la puissance chorégraphique. Cette proximité est ouverte par des plans plus larges qui rendent compte de l’espace de la scène. C’est par l’accumulation des points de vue dans une même séquence, collectés au fur et à mesure des jours que je donne l’idée de la chorégraphie. La répétition des gestes corrigés et transformés donne la temporalité du travail, qui n’est pas respectée chronologiquement mais qui s’organise par association. En chemin, s’ajoutent la scénographie, les costumes, la musique, on perd les maquillages, des accessoires.
Alors que je travaille au montage de mon film, je ne suis plus très sûr de savoir qui d’entre nous, de Christian Rizzo ou de moi, est le plus « abstrait », qui est le plus « sentimental ». Mais après tout quelle importance ? Ne sommes-nous pas comme ces silhouettes marchant du début du spectacle, suivant des trajectoires si assurées et en même temps si vaines au gré desquelles peuvent pourtant miroiter d’authentiques moments de bonheur. C’est de ces éclats fugaces, aussi certains qu’insaisissables, dont j’aimerais que « Notre amour » rende compte. »