Numeridanse is available in English.
Would you like to switch language?
Attention, contenu sensible.
Ce contenu contient des scènes pouvant choquer un public non averti.
Souhaitez-vous tout de même le visionner ?

MORE et encore

Chorégraphie
Réalisation
Alain Buffard
Année de réalisation
1999
Année de création
1999

Bien sûr, on pense à l’idée de passage entre intérieur et extérieur, à des assemblages nouveaux, des relations possibles entre des unités distinctes. Il y a aussi dans INtime/EXtime – outre le jeu de mots qui s’amuse avec l’idée d’intimité –, ce néologisme qui pourrait être traduit de l’anglais par « à temps/hors temps », cette barre oblique qui cheville deux opposés, un simple trait qui sépare et qui agrège à la fois dans une ultime tentative pour trouver une verticalité.
Un couple en quelque sorte, délimité par une incise typographique pour dire l’enjeu du corps individué, de ses limites, de ses déplacements, de ses commerces avec les autres corps. Des corps agents, en l’occurrence deux fois trois singularités qui viennent s’inscrire dans un double projet de trios que sont INtime/EXtime (Anne Laurent, Matthieu Doze et Alain Buffard) et MORE et encore (Matthieu Doze, Rachid Ouramdane et Alain Buffard).
L’air circule entre l’intérieur et l’extérieur de nous-mêmes. Comme élément conducteur, il affirme que nous sommes ouverts. Donc vivants. Que nous sommes un système non clos, non fini. De là à l’idée d’extension du corps. Encore faut-il le sentir ce corps.
C’est par le toucher qu’il sent, il touche le dehors parce qu’il se touche comme dehors. Cette séquence par exemple, où nos trois corps s’agencent en articulant un segment par rapport à la masse des deux autres corps, produit des prolongements qui rendent indéterminables les appartenances propres à chaque corps. S’engage un va-et-vient entre le singulier et le multiple, la fusion et la fragmentation, la forme et l’informe. Cette matière de mouvement de l’un pour provoquer celui des autres. Et cette condition ordonne les extensions comme existence même de nos corps.
Sur les territoires de l’expansion, nous avons expérimenté aussi des ajouts, matérialisés par des costumes qui accentuent les formes ou inventent de nouvelles anatomies. Comme si les rapports de surfaces et d’enveloppes fabriquaient des doubles peaux, des doubles intérieurs. Des ballons qui prolongent ou offrent d’autres volumes, d’autres surfaces de toucher, appendices pneumatiques ou sonores.
Du souffle, du son, on en vient aussi au langage en empruntant à une performance de Vito Acconci. Ne plus voir, essayer de désigner les parties du corps de l’autre. Cette impossible tentative de nommer rend opérante l’une des premières fonctions du langage, la désignation, l’indication. Cette utilisation littérale du langage ébranle la relation par sa simplicité, obligeant l’aveugle à reconstruire sans cesse le corps de son partenaire. La vue perdue érode la fixité du corps, seul le toucher permet d’en reconstituer son architecture. Les ratages des énoncés intensifient la présence du corps au monde.
MORE et encore s’appuie sur le socle lexical d’INtime/EXtime en le recyclant, l’une et l’autre pièce peuvent être présentées de manière indépendante. Double recyclage, celui d’Acconci comme l’un des éléments d’INtime/EXtime, d’aucuns parleraient de citation ; et recyclage de ce dernier avec MORE et encore.
La citation : emprunt, ou hommage ? Redite, duplication, ou dérivation ? Si le postmoderne en use si fréquemment, alors l’originalité cesse d’être une valeur absolue. Ou alors elle apparaît comme un refuge – l’ultime ? Que vaut en effet cette notion à l’ère des systèmes de reproductibilité, des réseaux informatiques, de l’échantillonnage ? Se cheviller à l’originalité serait se cramponner à l’idée de l’origine. Attention à la copie, il faut estampiller « authentique » et si possible nouveau.
Recyclage oui, mais par liquidation des matériaux de leur origine pour offrir d’autres points de vue, comme un index élargi. Établir un ordre provisoire avec des constructions différentes. Émarger des registres d’interprétations et d’intentions différenciés avec les mêmes matières chorégraphiques : ainsi à chaque présentation, la forme de MORE et encore évoluera, la matière de la pièce peut se déployer d’une manière « informée » suivant les contextes où elle sera présentée.   C’est prendre pour hypothèse de travail que la récurrence et la répétition peuvent paradoxalement nous éloigner de la figure du même. C’est aussi dire qu’une pièce est la « somme de ces occurrences et non pas un produit fini *. »  

Alain Buffard [mars 1999]   

* Catherine David, in Vacarme, n° 7, janvier 1999, p. 61. 

Chorégraphie
Réalisation
Alain Buffard
Année de réalisation
1999
Année de création
1999
Direction artistique / Conception
Alain Buffard
Interprétation
Alain Buffard, Matthieu Doze, Rachid Ouramdane
Son
Song active production (Jean-Jacques Palix et Eve Couturier)
Production de l'œuvre chorégraphique
Création le 11 juin 1999 au festival Le Choré-Graphique de Tours
Production vidéo
Alain Buffard
Ajouter à la playlist