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Mammame
En 1984, Raul Ruiz, invité en résidence à la Maison de la culture de Grenoble, eut envie de filmer le travail des « créateurs Maison », Georges Lavaudant pour le théâtre, Gérard Maimone pour la musique, et moi pour la danse. Curieusement, il s’avoua assez décontenancé devant cet objet scénique nouveau qu’était la danse contemporaine. Je me souviens qu’il se plongea alors dans les comédies musicales américaines. Je lui en avais parlé, il savait qu’elles m’avaient inspiré. En 1985, pour réaliser le film « Mammame » à partir de ma chorégraphie, il eut ainsi l’idée de créer lui-même « l’ambiance » de son décor, un huis clos dont il disposait les parois différemment selon les séquences (couloir, chambre, cagibi…).
Dès le début du tournage, au Havre, dans la Maison de la culture dont il allait devenir le directeur, fidèle à sa façon de faire, il débordait d’idées, inventait des cadrages jamais vus, tentait les choses les plus folles avec des accessoires, utilisa sa fameuse lentille coupée en deux pour avoir dans l’oeil de la caméra une courte et une longue focale en même temps. Mais tout ceci prenait du temps et au milieu du tournage nous n’avions mis en boite que dix minutes du film. Je le lui fis remarquer. Alors il enchaina les plans-séquences pour rattraper le temps perdu, ce qui donne un film assez « baroque », très découpé au début, en longs plans séquences ensuite. Toujours plein de projets, et devant s’absenter une journée pendant le tournage, il me confia les clés du plateau. Pour la première fois, je réalisai un plan de cinéma, seul. Peut-être ai-je pris le goût de la réalisation à ce moment-là. Le tournage s’acheva plusieurs mois plus tard, sur les galets d’une plage de Normandie, avec un plan-séquence minutieusement répété : le duo de Robert Seyfried et Muriel Boulay qui conclut le film.
Jean-Claude Gallotta