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L'Ombre du ciel
Catherine Diverrès s’associe au sculpteur anglais d’origine indienne Anish Kapoor pour exprimer le déchaînement des forces telluriques et mettre en correspondance physique les bouleversements politiques liés à la guerre en Yougoslavie.
« L’Ombre du ciel » est créé le 25 octobre 1994 au Théâtre national de Bretagne à Rennes. Pour cette première pièce réalisée au Centre chorégraphique national de Rennes qu’elle co-dirige avec Bernardo Montet depuis janvier de la même année, Catherine Diverrès s’associe au sculpteur anglais d’origine indienne Anish Kapoor qui poursuit avec cette réalisation sa quête d’une dématérialisation de l’objet.
Désireuse de mettre de côté la matière littéraire qui a imprégné ses créations depuis dix ans, C. Diverrès affirme dans cette pièce un retour à une danse plus abstraite et plus poétique. Sa collaboration centrale avec le plasticien, qu’elle consacre d’emblée « poète de la pièce », l’aidera à évacuer ce matériau familier et à s’orienter vers une plus grande simplicité des formes. La pièce n’en tire pas moins ses racines dans la guerre en Yougoslavie et « met en scène le déchaînement des forces telluriques, la correspondance physique des bouleversements politiques » [1].
Les deux artistes partagent « une vision transcendantale du vide dans sa relation à l’intériorité humaine » [2] qui poussent leurs recherches sur la voie de la métamorphose, du passage, de la transformation, inspirées de « la conscience de l’impermanence des choses ». Les Journaux de voyage de Bashô – poète japonais classique du XVIe siècle – sont choisis pour accompagner les réflexions de l’équipe artistique et l’inviter à pénétrer l’esprit des haïkus que la chorégraphe rapproche des vanités occidentales du XVIe siècle et assimile à des métaphores de la représentation scénique.
Sur la création sonore du japonais Eiji Nakazawa – compagnon de la première heure rencontré au Japon chez Kazuo Ohno – , le pasticien et la chorégraphe confrontent les danseurs à un sol instable et à la panique que cela engendre. Irène Filiberti y reconnaît « un travail vers le dépouillement de soi, la transparence, la légèreté, la lumière » [3].
Oeuvre clef de la production de Catherine Diverrès, « L’Ombre du ciel » est saluée par la critique comme un renouvellement de son écriture chorégraphique. Profitant de sa récente arrivée à Rennes, elle semble engager un processus de décadrage pour explorer un nouveau territoire, tout aussi fructueux que l’a été son séjour au Japon : celui de la confrontation de la danse à la création plastique. La pièce constitue également une transition du point de vue de ses collaborateurs puisqu’elle est son ultime création avec Bernardo Montet mais aussi avec Thierry Baë, Rita Quaglia, Lluis Ayet, Olivier Gelpe qui s’éloigneront de la compagnie pour débuter leur propre travail en tant que chorégraphes.
La pièce sera diffusée jusqu’en 1997 et tournera à travers la France (Rennes, Saint-Brieuc, Paris, Dijon, Lyon, Grenoble, Noisiel, Douai, Angers, Châlons-en-Champagne, Limoges) ainsi qu’à l’étranger (Anvers, Munich, Lisbonne).
Claire Delcroix
[1] P. Allio, « Désordres », in I. Filiberti, Catherine Diverrès, mémoires passantes, 2010, p. 83.
[2] C. Diverrès, dossier de presse de la Ferme du Buisson, 10 décembre 1994.
[3] Irène Filiberti, Théâtre de la Ville, 13-17 juin 1995.
dernière mise à jour : mai 2014