Limits

Tout est possible ! Les limites sont destinées à être repoussées, à être dépassées. Nous pouvons accomplir tellement plus que ce dont nous croyons être capables si nous défions nos limitations ! C’est ce que j’ai ressenti quand, un peu étourdie, je suis sortie de mon premier spectacle de cirque contemporain, à Stockholm, une représentation de la compagnie française Archaos, j’avais vingt ans.

Quelques années plus tard, en France, j’ai alors compris que ce spectacle n’était pas un évènement isolé mais faisait partie d’une forme d’art bien établie : le nouveau cirque. Ici, les limites du possible étaient repoussées. Ici, il y avait des installations pour s’entrainer et même une école de cirque contemporain.

Comme j ‘étais une personne assez peureuse, c’est peut-être ce qui m’a donné l’inspiration de repousser les limites dans le cirque contemporain, c’était très important pour moi. Si cela pouvait me permettre, à moi, d’oser davantage, peut-être qu’il y en aurait d’autres avec le même sentiment. En 1995, mes amis et moi avons commencé à rêver d’implanter le cirque contemporain en Suède. Cela a été des charges de travail acharné, des prises de risque, des muscles endoloris et des douleurs croissantes mélangés à des moments de pure magie. Il y a une chose que nous avons constaté, encore et encore, c’est que l’être humain a beaucoup plus de capacité qu’il ne le pense. Nous avons créé nos propres emplois dans un domaine qu’aucun politicien ou recruteur n’aurait pu imaginer. Nous avons vu des rêves devenir réalité, des peureux devenir sans peur, des égarés retrouver leur concentration, l’ordre surgir du chaos et le contrôle se transformer en confiance.

Depuis plusieurs années déjà, en collaboration avec des chercheurs sur le cerveau humain et des artistes du cirque, j’essaie de comprendre ce qui fait qu’un individu dépasse ses limites. Information absolument cruciale pour ceux d’entre-nous qui défient une limite, créent quelque chose de nouveau ou s’aventurent là où personne ne s’est jamais aventuré, c’est de savoir si nous nous concentrons sur le risque même ou la possibilité.

À l’automne 2015, dans un esprit humanitaire, j’étais une parmi tant d’autres en Suède qui essayait d’accueillir des personnes déplacées. J’ai été impliquée dans l’installation de maisons de transition et je leur ai ouvert ma propre maison. Des centaines de personnes.

Des centaines de migrants. À chacune des rencontres une nouvelle histoire, une tragédie personnelle.

Il y a une grande différence entre un artiste de cirque qui décide de prendre des risques et la personne qui s’enfuit pour rester en vie. Celui qui fuit n’a pas le choix. Par contre la façon dont ils traitent le risque est la même.

Quelqu’un qui s’enfuit sait ce que c’est d’avoir peur, tout en étant brave. Ces personnes savent que lorsque vous vous aventurez vers l’inconnu, c’est de croire que vous y arriverez qui vous pousse à continuer.

C’est scandaleux de voir l’Europe fermer frontières après frontières, quand on pense que notre cirque a dédié les vingt dernières années à repousser les frontières. Le mot cirque est souvent utilisé de façon désobligeante, mais je pense que le contraire est aussi vrai – le monde devrait être un peu plus cirque.

Imaginez de quoi le monde aurait l’air si personne n’avait jamais pris de risques.

Contrairement à ce que nous entendons souvent, nos frontières sont souples. À la fois nos cœurs et nos cerveaux ont une capacité innée d’expansion.

Source : Tilde Björfors

En savoir plus : cirkor.se