Life Story

« Histoire de Vie »

Après avoir couché ensemble pour la première fois,
sans l’avantage ni l’inconvénient d’une quelconque connaissance préalable,
l’autre individu dit très souvent :
Parle-moi de toi, je veux tout savoir, quelle est ton histoire ?
Et tu penses peut-être qu’il le veut vraiment et réellement, 

Qu’il veut sincèrement connaître l’histoire de ta vie,
et alors tu allumes une cigarette et commences à lui raconter,
tous les deux allongés de manière complètement détendue
comme une paire de poupées de chiffon qu’un enfant qui s’ennuie a laissé
tomber sur un lit.

Tu lui racontes ton histoire, ou presque ton histoire,
tant que le temps ou un juste degré de patience le permet, et il dit, Oh, oh,
oh, oh, oh
à chaque fois d’une voix un peu plus faible jusqu’à ce que le oh ne soit
plus qu’un souffle perceptible, et, alors bien sûr,

Il y a une quelconque interruption. Le long service de chambre monte
un bol de glaçons fondants, où l’un de vous se lève pour faire pipi
et se regarde avec une légère surprise dans le miroir de la salle de bains.

Et alors, la première chose que tu sais, avoir d’avoir le temps de
reprendre où vous en étiez resté avec l’histoire passionnante de ta vie,
il te raconte l’histoire de sa vie, précisément comme il en avait
l’intention depuis le début,
et tu dis Oh, oh, oh, oh, oh, oh
à chaque fois d’une voix un peu plus faible, la voyelle devenant à la fin
rien de plus qu’un soupir perceptible,
tandis que l’ascenseur, à mi-chemin plus loin dans le couloir
et en tournant à gauche,
rend un dernier long et profond souffle d’épuisement
et arrête de respirer pour toujours. Puis ?
Eh bien, l’un de vous s’endort
Et l’autre en fait autant avec une cigarette allumée à la bouche,
Et c’est comme ça que des gens meurent brûlés dans des chambres d’hôtel. »

Poème extrait de « In the Winter of Cities »
Copyright © 1956 Tennessee Williams

Source CCN – Ballet de Lorraine programme 2001 – 2002