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Les Serrenhos du Caldeirão, exercices en anthropologie fictionnelle
Tout est parti d’une commande faite à la chorégraphe et danseuse Vera Mantero autour de la désertification et de la déshumanisation de la Serra do Caldeirao, dans l’Algarve, au Portugal.
En parcourant la région, elle est frappée par son silence. Surtout, elle tombe sur des recueils filmiques réalisés dans les années 70-80 par Michel Giacometti ethnologue passionné par les chants populaires portugais. Elle s’en empare, comme elle s’empare de tout : textes de Prévert et d’Artaud, chants a capella venus du fond des âges, vidéos, triangle dont elle joue pour faire entendre le silence, tronc de liège creux… Elle s’empare de tout, comme ces cultures qu’elle évoque : sans logique apparente, elle risque les frottements, les dialogues, les rencontres.
Il en résulte un solo très peuplé, une danse très parlée, une conférence gracieuse et légère sur un sujet grave. Elle rend un hommage tour à tour émouvant, drôle et profondément poétique aux populations rurales et ancestrales, celles de la Serra du Portugal, mais aussi à toutes celles qui savaient relier le quotidien et le travail à l’esthétique et au spirituel, « les courants de la terre aux courants du poème », comme le disait le poète portugais Herberto Helder d’Antonin Artaud.
La pièce se referme comme elle a commencé : par les visages de ces hommes burinés, paysans en noir et blanc qui se mettent à chanter a capella leur envoûtante oraison des âmes. Vera Mantero fait ainsi, le temps de sa pièce, repartir la ronde, celle qui s’est arrêtée dans ces montagnes, celle qui s’arrête partout où les mondes du corps et de l’esprit ne trouvent plus d’endroits où se joindre.