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Les corps étrangers
Kader Attou se questionne sur “la condition humaine” et sa danse, à partir d’un vocabulaire très riche, nous montre une humanité dansante où le rapport à l’autre s’installe tantôt dans la fragilité, tantôt dans le conflit, tantôt dans la poésie.
Ce qui fait en partie l’identité de la cie Accrorap, c’est la capacité de Kader Attou à faire dialoguer des “corps étrangers“. Il y a dans le parcours d’Accrorap un certain nombre de rencontres qui ont produit du sens et qui nous ont fait avancer vers plus de compréhension, plus de tolérance, plus d’humanisme.
Afin d’approfondir cette capacité à faire naître le dialogue, il s’agit aujourd’hui de réunir des artistes venus de différentes cultures et avec lesquels (pour la plupart), la compagnie a déjà travaillé.
Le dialogue entre les cultures est aujourd’hui une nécessité dans un monde global où une culture dominante a tendance à imposer ses normes et où la pensée unique s’installe.
Il s’agit, en respectant l’identité de chacun, de trouver les “points de rencontres”, les possibilités de dialogue et de partage pour construire avec la danse un espace d’harmonie qui puisse questionner l’avenir.
Cependant, cette harmonie recherchée peut être perturbée par des “corps étrangers”, fléaux modernes (terrorisme, intégrismes, conflits, maladies….) ou simples petits grains de sable qui empêchent la vie de se dérouler en toute tranquillité.
C’est dans ce va et vient entre harmonie et perturbation que Kader Attou nous parle de la “condition humaine”.
La création musicale tout comme la scénographie sont associées à une œuvre du 15ème siècle : Le jugement dernier de Rogier van der Weyden, un retable qui se trouve aux Hospices de Beaune.
Les Corps étrangers, spectacle donné à Vesoul le 25 mars 2006
Ça y est, le spectacle est arrivé à son terme, dans sa magnificence ; j’ai eu le privilège gratifiant d’assister à celui qui s’est donné à Vesoul au Théâtre Edwige Feuillère : du monde, des gens de tous âges, des jeunes… Après le spectacle on ne s’en va pas, on reste là pour remercier la troupe ; les enfants dansent dans le hall saluant les danseurs qu’ils ont déjà rencontrés l’après-midi.
Corps étrangers, corps musique, corps lancés, balancés, éjectés de leur pesanteur…
Ça a débuté comme ça : un corps secoué, désarticulé – celui de Thô Anothaï – se devine dans une lumière doucement montante qui suit la musique; de derrière le retable arrive la procession lente des corps accordés dont les épaules ou les mains jointes font un chemin où s’avance Kader Attou ; images emboîtées : ici les danseurs portent leur chorégraphe, des hommes et des femmes, ailleurs, se portent et se supportent.
Tout au long du spectacle il y a ces joutes pour montrer qui est le meilleur, en même temps une complicité des corps à jouer les uns pour les autres. Les uns avec les autres, avec ceux du retable – immenses panneaux mobiles, translucides – sur lequel les élus et damnés sont devenus les peuples d’aujourd’hui. Et c’est tout ça qui s’avance et qui danse, fougueusement, sur tous les plans, sur tous les axes, toute la scène vibre, sur tous les tempos ; les lents eux-mêmes emplis de cet immense appétit de vie.
Josianne Battaillard