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Le Corps de la Ville en Martinique #02
Flexx
Le corps de la ville en Martinique est une balade documentaire dansée à travers les paysages naturels et le patrimoine architectural de cette île des Caraïbes, profondément marquée par l’histoire du colonialisme français. Les dix plus grands danseurs martiniquais racontent l’histoire qui les lie intimement au territoire et témoignent de la vitalité créative créole, au travers d’un art chorégraphique aux accents multiples.
Dans ce documentaire, chaque séquence est constituée d’une proposition chorégraphique originale, créée et filmée in situ, dans son environnement sonore naturel. Un travail qui nécessite un dispositif de tournage rigoureux, dans lequel je suis à la recherche d’un pont où la création chorégraphique et cinématographique pourraient s’éclairer mutuellement. Aussi, je suis dans un lien créatif permanent avec les chorégraphes pour retranscrire, avec eux, les intentions de la danse proposée, au vu de son environnement.
La première étape est en amont du tournage, et consiste à trouver le lieu du tournage avec le danseur. Il ne s’agit pas d’investir un espace de manière arbitraire, mais d’intégrer l’expérience personnelle et vivante du danseur à le raconter. Le choix tient également du potentiel plastique, d’un point de vue visuel et chorégraphique, et de sa portée historique et sociologique.
La deuxième étape est celle de l’écriture, fruit d’une collaboration entre le corps du danseur, la caméra, et l’espace choisi.
Le travail commence sur la base d’une improvisation concertée. Il s’agit de se laisser saisir par les sensations auxquelles le lieu choisi nous renvoie : les couleurs, la matière des sols, la circulation de la lumière et le flux des individus sont autant de matériaux susceptibles de nourrir et d’encadrer l’écriture. La main prend appui sur un mur, le pied glisse sur du gravier, un corps goûte la fraîcheur de l’ombre sous un arbre… Et déjà une histoire se tisse entre un corps et un regard en mouvement, qui aboutira à un découpage technique rigoureux, dans lequel les mouvements de la chorégraphie sont écrits selon des axes de caméras déterminés.
Cette écriture minutieuse permet de se concentrer, au moment du tournage, sur l’excellence du geste chorégraphique, et la qualité de la lumière naturelle. Comme un comédien, le danseur perfectionne ses gestes, tandis que je joue avec les ombres et les contrastes crées par l’évolution de l’éclairage naturel.
Mais filmer dans l’espace public n’est pas sans imprévus, et la réalité, étrangère au découpage, s’infiltre partout, favorisant des espaces d’expression documentaire. Sur le plateau du Corps de la ville, on ne réclame pas le silence avant la prise. On travaille dans, et avec le bruit. On ne bloque pas non plus les rues pour éviter le passage des badauds. Au contraire, on attend qu’il y ait du passage pour déclencher la caméra, et on intègre les passants à la scène.
Point de rencontre entre un lieu et un corps, entre la création chorégraphique et documentaire, en lien direct avec l’histoire d’un territoire, ses habitants et ses utilisateurs, Le corps de la ville en Martinique souhaite avant tout rendre accessible à tous la poésie de la danse.