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Le Cantique des Cantiques - Création à la Maison

Année de réalisation
2015
Année de création
2015

Interview du chorégraphe Abou Lagraa à propos du travail de création du « Cantique des Cantiques »

Pour cette nouvelle création, Abou Lagraa s’associe à un metteur en scène sans concession, Mikaël Serre et c’est une première dans son parcours chorégraphique. Avec elle, il opère un tournant car il veut revenir à son écriture originelle — celle de Nuit blanche et Cutting Flat, sans mélange des genres ni hip hop, avec des danseurs de haut niveau, capables de s’investir. Le virage est pris aussi avec cette décision de créer à partir d’un texte et avec un metteur en scène impliqué dans la structure narrative. « J’ai toujours travaillé dans l’abstraction et aujourd’hui, je trouve plus enrichissant de chorégraphier à partir d’un texte, avec la chronologie d’une narration qui m’aide à m’exprimer de manière plus profonde. Mais ce n’est pas facile, il faut trouver l’équilibre entre la danse et la parole. Et ce n’est pas du théâtre non plus, même s’il y a deux comédiennes. Ici on est dans quelque chose de plus libre.  » 

Conçue comme la première d’un cycle de trois pièces, Le Cantique des Cantiques questionne le sens du mot amour, dans le couple, mais surtout envers les autres dans notre société actuelle. Elle questionne l’identité sexuelle, la place de la femme, l’intolérance, des sujets que le chorégraphe a déjà abordés, retravaillés au prisme de la maturité. « Je me sens mieux pour creuser ces sujets qui me passionnent, certains sont mis en regard avec les événements d’aujourd’hui, ce monde devenu fou par la montée de l’intégrisme. Je suis d’obédience musulmane et il me semblait intéressant de travailler sur ce texte qui vient de la Bible et de la Torah. Quelle ouverture d’esprit que d’avoir intégré dans ces livres sacrés des textes érotiques, sensuels, écrits il y a deux mille ans, car l’on sait bien que la religion censure le plaisir. » Pour Mikaël Serre, le contexte religieux était différent : « La religion n’était pas encore constituée, rigide comme aujourd’hui. On retrouve la source. Le texte témoigne d’un passé archaïque mais généreux, avec des sentiments rendus visibles, tels l’amour et la sexualité, avec cette recherche de sens, la question de l’inconnu, de Dieu. Ces gens avaient un message à faire passer à la génération future, mais l’ouverture possible n’a pas été suivie, c’est une évidence. » 

Une culture détruite par le fanatisme religieux, le refus d’une société où les religions dialoguent, l’homosexualité sur laquelle certains crachent tandis qu’ils n’assument pas la leur, les frustrations sexuelles, l’homme qui a peur du corps de la femme, la régression d’une société, les droits de l’être humain… Abou Lagraa veut parler de tout cela et Le Cantique lui permet une double lecture. Et puis l’amour, qui n’est pas forcément beau, révélant de la violence, exigeant l’engagement. Le fil conducteur, ce sont trois duos différents inspirés par les thèmes du poème. « Ils m’ont permis de travailler sur les notions de fusion, d’ambiguïté, le dédoublement homme/femme, le lyrisme, l’opposition pudeur et érotisme, la parité du désir, la transformation des états, la séparation, l’apaisement, la solitude. À l’intérieur de cette structure, émergent les situations sociétales. » 

Le théâtre de Mikaël Serre est à l’opposé de la danse du chorégraphe : ancré dans le réel, dérangeant et qui refuse l’esthétisme. Il se retrouve pour la première fois avec une équipe, un artiste exigeant et sans texte théâtral. Si le challenge les terrorise, ils se réjouissent pourtant de cet espace commun qui les amène à faire bouger leur propre vision artistique. « Cet antagonisme dans nos démarches respectives perturbe, dit Abou Lagraa. Mais il nous permet aussi de nous soutenir mutuellement pour aller chacun dans la direction de l’autre et cela apporte beaucoup de force. Avec lui, j’apprends à ne pas lâcher l’idée qui pourrait déranger. Il y a par exemple une scène que je n’aurais pas menée jusqu’au bout si j’avais été seul. » « Ses propositions, ajoute Mikaël, m’ont permis de travailler sur comment se fait le dialogue entre la composition et l’espace et de chercher à l’intérieur ce que pouvaient proposer les deux comédiennes. » 

Après deux ans de travail, Abou Lagraa se dit profondément bouleversé par ce texte pour se retrouver au service d’un poème et d’une création : « Sa simplicité apparente cache une grande complexité qui nous a entraînés très loin dans nos recherches, comme si c’était lui qui décidait de là où nous devions aller. Le chemin ouvert fût épuisant et passionnant, nous ramenant sans cesse au monde d’aujourd’hui, entre cruauté et espoir. » 

Source : Martine Pullara – Programme Maison de la Danse

En savoir plus : www.aboulagraa.fr

Chorégraphie
Réalisation
Année de réalisation
2015
Année de création
2015
Lumières
Fabiana Piccioli
Musique originale
Olivier Innocenti
Interprétation
Pascal Beugré-Tellier, Ludovic Collura, Saül Dovin, Diane Fardoun, Charlotte Siepiora, Antonia Vitti, avec les comédiennes Gaïa Saitta et Maya Vignando
Production de l'œuvre vidéo
Movimentos Festival Weeks oh the Autostadt 2016, Wolfsburg, Allemagne, Le Grand Théâtre de Provence d’Aix-en-Provence, Le Théâtre National de Chaillot, Les Gémeaux – Scène Nationale de Sceaux, Bonlieu Scène nationale Annecy, Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne / Compagnie Käfig – direction Mourad Merzouki dans le cadre de l’accueil studio
Mise en scène
Mikaël Serre
Scénographie
LFa – Looking for architecture
Production de l'œuvre chorégraphique
Cie La Baraka, Maison de la Danse de Lyon,
Direction technique
Antoine de Gantho
Autre
Olivier Cadiot et Michel Berder – Édition Bayard
Production vidéo
Giuseppe Greco
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