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Larmes blanches
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Dès Larmes blanches, Angelin Preljocaj choisit la virtuosité. Les gestes secs déploient leur énergie dans des volumes réduits, exigent une vitesse maximale et des arrêts soudains, une mémoire sans faille. Les phrases dansées à l’unisson, interdisent le moindre décalage de rythme, d’ampleur, d’espace. Les corps et les gestes sont dupliqués, mais ce sont les antagonismes qui frappent : asymétrie des costumes, tiraillement entre les ports arrondis et les gestes obliques, opposition entre le clavecin et l’électroacoustique, entre la dentelle blanche et le cuir noir. La danse imprégnée d’élans baroques s’interdit pourtant toute joie, et la chair confrontée à la sècheresse des cordes pincées ne peut s’alanguir. Mais les quelques instants où la tendresse s’esquisse font vibrer la nostalgie d’un lieu où l’émotion était possible : la mécanique n’est là que pour masquer l’absence, et la multiplication des corps exécutant les mêmes gestes dessine, en abyme, le reflet d’un monde oublié.
Source : Ballet Preljocaj
Extrait de presse :
«… un Preljocaj méconnaissable, libéré, inspiré, laisse passer dans sa nouvelle chorégraphie un souffle poétique sans entrave… Il compose une pièce d’amour raffinée et tendre. Il s’y livre corps et âme… Tout commence dans un prélude statique; deux danseurs aux aguets fixent quelques particularités de mouvements élémentaires. Puis un quatuor prend son envol, sur tous les vecteurs de l’aire scénique, dans une variété d’échelles et de registres très riches. Le geste mécanisé, sans étapes transitoires, revient. Mais arrondi aussitôt, dans un lié doux, ondoyant, avec des réminiscences baroques, des figures surannées qui, à leur tour, se raidissent et se cassent. Alternances délibérées de style qui se superposent en un permanent trompe-l’œil… Preljocaj est un musicien lui-même, on s’en doutait. Fasciné par le contrepoint, il compose sa danse comme une polyphonie orchestrale …Larmes blanches est une pièce délicate qui traite des rapports obscurs de deux couples aux prises avec les conventions de la vie. Les danseurs développent des esquisses du vocabulaire classique, le détournent, lui donnent des angles vifs et des accélérations surprenantes. »
Source : Laurence Louppe, Pour la danse, janvier 1986