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Jazz - Epreuves de danse 2021. Variation N°21. Fin du 3ème cycle, danseur, Bac S2TMD option danse, EAT, fille – 2ème option (reprise 2019)
Cette variation est une adaptation d’un extrait de la pièce musicale et chorégraphique Unfinished Fragments au répertoire de la compagnie PGK. Pour cet extrait intitulé Seabird, la chorégraphe Patricia Greenwood Karagozian s’est inspirée d’un poème de Charis Southwell.
Collected Poems of Charis Southwell (1941-1970)
Traduction en français de Guillaume Destod
How many silent birds have winged away
the scraping of my footfall on brown rocks
Below the world in the sea, where grey
White birds sleep ? I do not know.
I know that once one stayed
And, turning wise indifferent eyes,
Watched me stumble down the cliff
And wince at the salty spray,
Waiting till I reached his side
Before he flew away.
Combien d’oiseaux silencieux ont pris l’envol At
Au bruit de mon pied sur la roche brune
Vers la mer, sous le monde, là où
Les oiseaux gris et blancs dorment ? Je ne sais pas.
Je sais qu’une fois, l’un d’eux est resté
Son regard balayant, sage et indifférent
Me regarda descendre la falaise en trébuchant,
Grimaçant à l’embrun salé,
Il attend que je sois à ses côtés
Avant de s’envoler.
À travers ce poème, Charis Southwell exprime le désir d’apprivoiser l’inaccessible.
Cet extrait d’Unfinished Fragments est interprété par deux danseuses, l’une qui incarne une jeune femme (qui est la poétesse) et l’autre qui incarne un oiseau (une mouette). C’est ce rôle d’oiseau qui a été adapté pour devenir aujourd’hui la variation fille option jazz 2019 cycle 3 / Examen d’Aptitude Technique.
Durant ce solo, l’autre danseuse (que nous appelons la poétesse), même si elle est absente, est toujours prise en compte, comme si elle était présente en permanence.
(Pour voir l’extrait d’origine, consulter le lien suivant : https://vimeo.com/261165287)
La musique
La création musicale de Mike Karagozian est interprétée par un quartet de jazz : piano, batterie, contrebasse et saxophone (soprano).
Le paysage du poème est illustré par cette musique : une mer rocheuse et agitée, les embruns salés, un temps gris et froid.
La mesure musicale est un 5/4 (5 temps binaire) ; le tempo est de 185 à la noire.
Cette mesure à 5 temps, la vivacité du tempo, et la dissonance harmonique créent une forte tension, une sensation d’instabilité, de mystère et de fuite.
La structure de la musique peut être considérée comme la suivante :
Première partie
• arpèges aigus au piano, représentant la fluctuation de l’eau et du vent,
• silence de 15 secondes,
• improvisation de la contrebasse à l’archet.
Deuxième partie = thème musical
Carrure = 60 mesures en tout = Introduction + A + Interlude + AA’BAA’
• introduction : 4 mesures d’ostinato à la contrebasse
• A (8 mesures)
• interlude (4 mesures d’ostinato à la contrebasse)
• A (8 mesures)
• A’ prime (10 mesures)
• B (8 mesures)
• A (8 mesures)
• A’ (10 mesures)
Troisième partie = coda
• improvisation des 4 musiciens.
Aptitudes et qualités exigées par cette variation
Sur le plan de la relation à la musique
• capacité à danser avec aisance sur une musique à 5 temps,
• capacité à phraser le mouvement en silence ou à l’oreille dans la coda finale.
Sur le plan corporel et technique
• capacité à organiser une grande prise du sol complétée par une relation forte à l’espace du haut,
• maîtrise de la coordination controlatérale,
• grande disponibilité de la colonne vertébrale,
• au niveau des appuis : qualité, rapidité, puissance et ancrage,
• capacité à créer et gérer des contrastes de tonicité,
• capacité à maintenir l’équilibre sur demi-pointe en préservant la circulation constante du flux,
• puissance et disponibilité de la jambe de terre, et gestion du relevé sur quart de pointe sur jambe pliée,
• maîtrise des tours où la forme change pendant la giration : changement de niveau, décalé de buste, barrel turn.
Sur le plan artistique et interprétatif
• capacité à nourrir son intériorité même dans l’immobilité,
• capacité à incarner un rôle, à s’imaginer dans un contexte pour nourrir la dimension sensible du geste.
Précisions concernant la variation
Espace de la variation
L’espace est marqué par des rochers imaginaires qui servent de repères spatiaux pour différents moments de la variation.
Concernant la première partie
Sur les premières notes du piano, l’oiseau tourne ses yeux vers sa gauche (P = « turning wise indifferent eyes »), puis en succession, la tête et le buste pour surveiller la poétesse qui est assise à cour.
Dans le silence qui suit, il se déplace à cour en s’approchant de la poétesse. Il se pose sur un rocher central (position 4ème parallèle sur demi-pointes) en déployant ses ailes pour effectuer des petites isolations de la tête suivies par une ondulation du buste (ceci n’est pas fixé, ni dans la forme ou dans le timing), avant de « se suspendre » en retiré parallèle. La relation de bras avec la jambe montante en retiré et la qualité du regard contribuent à la durée de cette suspension.
Le levé de la jambe gauche vers la poétesse peut coïncider avec le début de l’improvisation de la contrebasse à l’archet, mais le phrasé de mouvement n’est pas figé. Une suspension en arche précède un déplacement qui représente le sautillement d’un oiseau. Il atterrit sur un rocher en avant-scène à jardin.
Durant les quatre mesures d’ostinato à la contrebasse, l’oiseau amorce un demi-plié en position quatrième parallèle sur quart de pointe en fermant ses ailes. Le tour qui suit est initié par un twist des appuis, le buste décalé dans un deuxième temps.
Ensuite, il court pour se poser sur le rocher à jardin fond de scène.
Concernant la deuxième partie (thème musical)
Tout en surveillant la poétesse qui avance vers lui, l’oiseau recule avec des chugs. Après le chug turn en figure four (position des jambes), il quitte le rocher pour aller atterrir sur celui situé en avant-scène à jardin en faisant un saut de chat en tournant, légèrement hors de l’axe vertical.
Le grand plié en quatrième en dehors s’effectue sans poser les talons et en fermant les ailes. Après la fermeture des jambes en parallèle (genou droit à terre), le mouvement du bras droit indique la direction du déplacement à venir, en diagonale montante vers la cour ; déplacement qui se fera à nouveau dans une qualité sautillée, également avec un saut de chat en tournant.
Dans la phrase qui suit, les appuis sont très dynamiques afin que les transferts d’appuis soient très clairs et rythmiquement précis. Les impulsions des bras, de la tête et du buste cherchent les afterbeats (donc les deuxièmes ou quatrièmes temps).
Ensuite, préparation pour un double tour attitude : le premier sur jambe de terre allongée suivi par un second, sur plié en avec une inclinaison du buste.
Vient ensuite une descente à jardin en avant-scène pour préparer une diagonale en remontant et comprenant deux sauts hors de l’axe vertical.
La phrase suivante, au sol, doit favoriser les notions de rebond et de suspension.
Dans la diagonale descendante de cour à jardin, le battement en attitude seconde parallèle avec le dos en courbe permet de préparer le tour suivant (en attitude seconde parallèle) pendant lequel le buste se fléchit pendant la giration. Par la suite, il y a deux sauts hitchkick en tournant : le premier est dans le désir de voyager alors que le second doit se faire dans la recherche de la hauteur. Il y a également deux barrel turns : l’un à gauche, l’autre à droite. Il n’est pas conseillé de doubler ces tours, mais plutôt de favoriser la sortie de l’axe vertical, la qualité de suspension et le tracé des bras dans l’espace.
À la fin du thème, l’oiseau va vers la poétesse qui est assise à jardin en avant-scène, avec un geste de provocation avant de se poser sur un rocher central et rester immobile.
Concernant la troisième partie (coda)
L’oiseau regarde la poétesse qui cherche doucement à l’atteindre. Tout en lui échappant une première fois, puis une seconde en remontant dans la diagonale, il surveille la poétesse qui s’approche. Juste au moment où la poétesse arrive presque à l’attraper, l’oiseau prend sa fuite par deux chugs, puis une traversée de sauts de cour à jardin : saut de chat et jeté en quatrième avec une spirale de buste.
Dans la version scénique, l’oiseau disparaît en coulisses. Pour l’examen qui se déroulera en studio, l’interprète est invitée à se stabiliser sur deux pieds pour marquer un temps de respiration et donner une fin à la variation.
Lors de cette coda, la musique est rubato, sans mesure ni tempo fixe. L’interprète peut trouver son propre phrasé sans chercher à compter. Le son du triangle sert de repère pour amorcer la fuite à la fin de la variation.
En ce qui concerne le costume, il n’y a pas d’obligation de porter une robe.
Cette variation peut être interprétée par un garçon.
Notes d’Emmanuelle Duc, interprète de la variation
Cette variation, adaptée du tableau Seabird demande une certaine puissance pour atteindre la légèreté qui va donner sens à l’interprétation du rôle de l’oiseau.
Personnellement, lorsque je la danse, je m’appuie sur des sensations et des qualités de mouvements que permettent de générer des verbes tels que planer, se déployer, suspendre, s’équilibrer, éviter, propulser, s’envoler, amortir, observer, becqueter, se déposer…
Dans les passages rapides, il est intéressant de basculer un peu le poids du corps sur l’avant-pied (en soulevant légèrement les talons), car cela aide à la propulsion et à accéder à la vitesse du 5 temps.
La relation à la musique est importante : à l’écoute, en dialogue ou en réaction, par rapport à l’univers dans lequel nous transporte ce poème.
Dans la mesure musicale à 5 temps, la danse alterne entre des accentuations (ou impulsions) sur les 2èmes et 4èmes temps, et des attaques sur le 1er temps.
Enfin, afin de rentrer au mieux dans une interprétation dansée, le travail du regard nécessite une attention particulière : focus, spots, périphérique …
Unfinished Fragments a été créé le 15 mars 2012 au Centre national de la danse (Pantin). 3 représentations ont été données à guichet fermé les 15 et 16 mars.
Durant six mois, sous la direction chorégraphique de Patricia Greenwood-Karagozian et la direction musicale de Mike Karagozian, les danseurs et musiciens de la compagnie ont participé pleinement à la naissance de cette création. Par des échanges constants entre inspirations chorégraphiques et musicales, le travail en synergie avec Mike Karagozian, pianiste compositeur et arrangeur, a construit cette pièce qui traverse six poèmes de la poétesse américaine, Charis Southwell.
Les danseurs ont activement contribué par leurs matières chorégraphiques à cette pièce, où une attention particulière a été portée à l’identité de chaque artiste.
La fragilité d’un instant fragmenté, le temps volé, le temps qui s’envole … Tourmentée par le désir d’attraper l’instant, la poétesse américaine, Charis Southwell, grave ses impressions sur des morceaux de papier. Quelques brins de ses poèmes font naître l’expressivité d’une danse vibrante, sculptant l’espace, les corps propulsés par les dissonances et les brisures d’une musique jazz sensible et enveloppante.