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Ja, nee

Chorégraphie
Réalisation
Réalisation Centre national de la danse
Année de réalisation
2003

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« Ja, nee » – littéralement « oui, non » en afrikaans – est une pièce pour huit danseurs présentée pour la première fois en France sous une forme intermédiaire au studio du Centre national de la danse en janvier 2003. La pièce définitive est programmée au festival Africalia de Bruxelles avant d’entamer une tournée européenne [1].

Entre danse, théâtre et installation, « Ja,nee » est une pièce dite et chantée dans un mélange de Zoulou et Xhosa, qui ne se laisse pas saisir au premier regard. S’interrogeant « sur des sujets aussi sensibles que l’enfance maltraitée, le viol ou le sida, tout en cherchant à explorer la toile sociale qui relie toutes ces situations » [2], elle est ainsi présentée par le chorégraphe : « J’ai essayé par ma collaboration avec des acteurs, de mettre en avant et d’exhumer la dichotomie [d’]une culture ancienne qui se heurte à une autre sous grande influence occidentale, moderne et urbaine. Par le biais des prières (un art séculaire), nous remontons jusqu’à l’origine de la domination mâle dans nos cultures. Une telle domination est intrinsèque au développement et répand une menace pandémique qui menace de décimer des générations d’Africains. La jeunesse en particulier. J’ai aussi choisi d’utiliser l’usage symbolique des bottes en caoutchouc, qui sont le symbole fort d’une main d’œuvre de masse exploitée et bon marché. Je veux par là illustrer une source puissante de dépravation, de maltraitance dans l’Afrique du Sud urbaine. Les mines d’or, de charbon et de diamants où sont exploités les hommes sont aussi une source prédominante du virus HIV. […] J’ai aussi dû faire un choix dans l’utilisation de la langue. C’était soit faire passer le message à un public de langue non africaine et risquer de perdre la force et l’énergie de la langue de mon pays. Soit capturer l’apport et la dynamique de la langue indigène et risquer de perdre le public. J’ai choisi cette dernière solution. » [3]

Sur la scène, un drap blanc est étalé au sol à jardin, assorti d’une paire de bottes en caoutchouc — les fameuses gumboots — symbole « d’un monde masculin, dur et travailleur, aux antipodes de la société actuelle, où les hommes vivent une perte d’identité » [4] selon les termes du chorégraphe. A cour, deux interprètes accrochent à un fil à linge des photographies noir et blanc de la photographe Val Adamson [5], où l’on peut voir certains des acteurs présents sur le plateau, dénudés, portant seulement armes à la ceinture (AK47, haches et machettes) et bébés dans les bras. Placé à côté de cette installation, que les spectateurs sont invités à venir regarder à la fin du spectacle, un poste de télévision émet un halo bleuâtre et diffuse une vidéo sur le sida qui semble laisser son unique téléspectateur dans un état de sidération.

Les sept interprètes masculins apparaissent progressivement lorsque l’obscurité qui accompagne la douche lumineuse focalisée sur un danseur se dissipe en une lumière plus diffuse. Armés de casse-tête et bâtons, ils gesticulent et entonnent en Zoulou des chants de prières cérémoniels vantant les prouesses des mâles et les vertus de leurs ancêtres, rituel autrement appelé Izibongo, fait d’un privilège exclusivement masculin. La seule interprète féminine – Desiré Davids –, évolue au milieu de ces danses (combats de bâton et danse umzansi), dans une sorte de dimension parallèle, tantôt funambule, tantôt performeuse de solos énergiques, rejetée par un rituel qui l’exclut d’office : « Aucune femme n’a jamais été autorisée à chanter des prières ancestrales, leur statut dans la société étant toujours plus subordonnée à celui de l’homme. De plus, elles n’ont jamais accès aux prières car une fois mariées, elles perdent leurs noms pour prendre celui de leur mari. La domination mâle dans la société africaine s’est affirmée avec succès de cette manière ; ces prières sont dites dans ce contexte. » [6]

Abordant de front, le sida, la violence et la domination masculine à l’oeuvre dans la société sud-africaine, B. Cekwana tient surtout par cette pièce à témoigner d’un sentiment plutôt qu’à stigmatiser. Particulièrement remarquée par la critique lors de son passage en France en 2003, l’intérêt pour « Ja,nee » se confirmera et la pièce sera programmée à nouveau en 2004, aux Antipodes de Brest et en 2005 au Théâtre de la Ville à Paris conjointement à « Rona », une autre pièce de Boyzie Ntsikelelo Cekwana.

[1] Utrecht, Ljubljana, Limoges, Genève, Brest, Weimar, Berlin.
[2] Document de diffusion, Thérèse Barbanel-Les Artscéniques, 2003.
[3] B. Cekwana, programme du Centre national de la danse pour « Ja, nee », janvier 2003.
[4] R. Boisseau, « Boyzie, Cekwana, les pas du passé sud-africain », Le Monde, janvier 2004.
[5] Val Adamson est une photographe d’origine kenyane installée en Afrique du Sud en 1984. Elle a notamment réalisé une commande pour la Playhouse Dance Company en 2001 à l’occasion du South African Women Arts Festival, intitulée « Curve », dans laquelle elle célèbre le motif féminin dans toute sa diversité et à tout âge.
[6] Programme du Centre culturel Jean Moulin pour « Ja,nee », Limoges, 23 septembre–5 octobre 2003.

Dernière mise à jour : novembre 2013

Chorégraphie
Réalisation
Réalisation Centre national de la danse
Année de réalisation
2003
Lumières
Hans – Olof Tani
Musique
Mandoza, The Statler Brothers, Jean-Sébastien Bach
Interprétation
Desiré Davids, Wonderboy Gumede, Mxolisi Ngubane, Mbeki Mabhida, Xolani Helelma, Sizwe Sithole, Buyani Shangase, Mnatha Vika
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