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It's going to get worse and worse and worse, my friend
Dans My life in the bush of ghosts, en 1981, Brian Eno et David Byrne avaient mélangé des rythmes envoûtants et des voix de prédicateur. Lisbeth Gruwez et Maarten Van Cauwenberghe ont appliqué cette « méthode » à la danse. Seule en scène, vêtue d’une chemise blanche boutonnée jusqu’au col et d’un pantalon gris, cheveux courts, sourire fin, Lisbeth Gruwez semble jouer le chef d’orchestre devant une scène vide, dirigeant ou repoussant une foule, égrenant des postures affirmatives, des saluts. Essentiellement face au public, elle traduit en mouvement les paroles du télévangéliste ultraconservateur Jimmy Swaggart. Extrêmement précise, épurée, la danse de Lisbeth Gruwez forme ainsi un curieux écho avec la bande-son. Entre la voix masculine et sa présence se crée un étrange pas de deux, à la fois en symbiose et totalement décalé. D’abord, le jargon est amical et pacifique, mais cède bientôt la place à un désir compulsif de persuasion. La voix se met à hurler, à vociférer des fragments, des phrases, dans lesquels on reconnaît la petite musique du prêche tandis que la danseuse est gagnée par la transe et produit des mouvements de plus en plus syncopés. En prenant les « habits de l’orateur » et en accompagnant les paroles de sa danse / transe, Lisbeth Gruwez expose ainsi la part compulsive de certains discours et fait apparaître la violence qui les sous-tend. Il y a quelque chose du Dictateur de Chaplin dans sa pièce : entre imitation et distance, le corps désosse la trame des mots et dévoile ce qu’ils recouvrent.
Par les temps qui courent, It’s going to get worse and worse and worse, my friend résonne ainsi avec une inquiétante familiarité.
Source : Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis