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Représentations filmées

invisibili

Chorégraphie
Collection
Année de réalisation
2024
Année de création
2023

Au Théâtre Biondo il y a un mur. Comme dans tous les théâtres, je  regarde les murs du fond. Ils gardent pour moi un intérêt sans cesse  renouvelé. Car, depuis la skene grecque – cette toile tendue devant  laquelle les acteurs se produisent – jusqu’aux scènes des théâtres  italiens, il y a la même invention : cacher le réel – le rendre  invisible – pour pouvoir ensuite le représenter. À Biondo, le mur de  Palermo Palermo a laissé des traces, tout comme l’histoire a laissé ses  traces sur les murs de Palerme. Mais c’est un autre mur qui a finalement  attiré toute mon attention.
Le Triomphe de la mort, est une  fresque murale du 15e siècle, peinte pour le premier hospice de la  ville destiné aux pauvres, déplacée puis conservée aujourd’hui à la  Galerie Abatellis, sans en connaître l’auteur. Elle est devenue à  travers les âges le symbole même de Palerme, tant dans son contenu et  que par le mystère qui entoure sa création. De nombreux historiens et  artistes se sont penchés sur cette oeuvre, charnière entre le  haut-gothique et la renaissance dont la modernité sidère non seulement  par sa narration et sa structure très pensées, mais aussi par un fait  marquant, le peintre et son assistant se sont représentés sur le côté de  la fresque, regardant le spectateur, et constituant une première dans  l’histoire de la peinture. Jan Van Eyck réalisait en 1433 le premier  autoportrait connu de l’histoire, l’homme au turban, et dix ans plus  tard à Palerme, un peintre se plaçait en plein dans sa fresque avec son  disciple, seuls personnages nous regardant, constituant ainsi une mise  en abîme saisissante. Ainsi il ne s’agit pas uniquement de la mort,  squelette impressionnant et riant sur son cheval émacié, assénant ses  flèches à sa guise et presque au hasard, au milieu d’une multitude de  corps, il s’agit avant tout de sa représentation. Le peintre ne nous  rappelle-t-il pas ainsi que l’art n’existerait pas sans la conscience de  la mort ? Et que nous avons recours aux représentations pour parler de  ce qui nous sera à jamais inconnu ? Dans le triomphe de la mort conçu à  la manière d’une tapisserie, c’est à dire d’un décor, d’un monde, le  peintre et son regard nous interrogent sur l’art et sa fonction. Car  au-delà de cette danse des couleurs pleine de vie, de ce chaos en  spirale aux références multiples, de cet humour perceptible, la fresque  propose une consolation. Tout le monde meurt des plus pieux aux plus  puissants, rien ne résiste à la mort, car s’il n’y avait pas mort, il  n’y aurait pas de vie.
J’ai imaginé pour invisibili une toile de fond reproduisant le Triomphe de la mort  à l’échelle un : six mètres par six, des dimensions de théâtre. La  fresque a été peinte dans le contexte de la peste noire, fléau de  l’histoire, qui a meurtri Palerme pendant quatre siècles. Et pour invisibili  je pose la fresque dans le contexte actuel, cachant les fléaux  récurrents d’aujourd’hui, parmi lesquels la mort des migrants, le  cancer, les catastrophes naturelles.
Sur la toile, outre les deux peintres, des artistes sont représentés :  des musiciens, des femmes qui dansent. Et ce sont précisément des  artistes que j’ai rencontré à Palerme en premier. D’abord Gianni Gebbia,  saxophoniste à la carrière internationale, ayant travaillé pour la  scène avec de grands artistes, notamment pour Heiner Goebbels. Puis  Chris Obehi, chanteur nigérian, ayant commencé sa nouvelle vie à Palerme  en chantant en sicilien. Et enfin des danseuses que j’ai voulues voir  comme les filles de Pina Bausch : Valeria Zampardi, Blanca Lo Verde,  Maria Stella Pitaresi, Arabella Scalisi. Avec elles, la fresque au  centre du théâtre s’anime et prend par leurs danses une autre dimension.  Elle constitue pour ces artistes une partition scénique vertigineuse,  un ensemble de scènes invisibles, qui se donnent à jouer, pour peu qu’on  les regarde une fois encore, avant que la fresque ne s’effrite et  disparaisse à tout jamais.
Aurélien Bory, octobre 2023

Source : Maison de la danse

Chorégraphie
Collection
Année de réalisation
2024
Année de création
2023
Direction artistique / Conception
Aurélien Bory
Conseil artistique / Dramaturgie
Manuela Agnesini, Stéphane Chipeaux-Dardé
Lumières
Arno Veyrat
Musique originale
Gianni Gebbia, Joan Cambon
Interprétation
Blanca Lo Verde, Maria Stella Pitarresi, Arabella Scalisi, Valeria Zampardi, Chris Obehi, Gianni Gebbia
Production de l'œuvre vidéo
Maison de la danse
Mise en scène
Aurélien Bory
Scénographie
Aurélien Bory
Son
Stéphane Ley
Production de l'œuvre chorégraphique
Cie 111
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