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Density 21.5
Montrer les œuvres phares de deux auteures. C’est une série commencée en 2017 au CND. Après Monnier/Marin ou Mantero/Triozzi, Carlson et Diverrès sont à l’honneur au printemps 2018. Avec elles, les corps deviennent calligraphies, emblèmes d’un monde souterrain, tragique et mystérieux. Leur danse est une affaire de femmes, le mouvement d’un corps non morcelé jouant avec la gravité, l’énergie pulsionnelle, l’expressivité et une certaine violence des affects. Elles, ce sont Carolyn Carlson et Catherine Diverrès, deux chorégraphes produisant un monde d’images et d’énergies nourri d’ailleurs et de rencontres. Du parcours de Catherine Diverrès, on retient surtout son départ au Japon en 1983 pour rencontrer Kazuo Ôno, l’un des chorégraphes fondateurs de la danse butô. De Carolyn Carlson, on se souvient qu’elle quitte Alwin Nikolaïs pour la France à l’aube des années 1970, laissant son empreinte sur plusieurs générations d’interprètes et de créateurs. Dans ce programme, les deux chorégraphes font remonter à la surface de leurs corps, non pas leur mémoire, encore moins un passé révolu, mais l’écume du geste qui les a fondées. Dans Ô Sensei, Catherine Diverrès accompagnée de Katja Fleig, nous ramène aux origines de son écriture, dans un dialogue avec l’esprit de son maître (Sensei) Kazuo Ôno disparu en 2010. Tendue de variations infimes, d’incantations vibratoires en incarnations ambiguës, sa gestuelle esquisse un adieu qui se répète infiniment comme on déplie le temps. Dans Short Stories, Carolyn Carlson tutoie l’invisible. De son fameux solo Density 21,5 qui révolutionna le monde de la danse il y a 42 ans, transmis à Isida Micani, jusqu’à l’hypnotique Mandala dansé par Sara Orselli, Carlson raconte l’air et les songes. Mais la Water Lady éternelle, propage de sa présence intense Immersion, donnant corps aux profondeurs insondables de l’âme.
Un cœur qui bat, qui propulse la vie dans un corps qui à son tour ondule, virevolte. Mandala fascine le spectateur par son rythme hypnotique, accompagné avec justesse par la musique puissante de Michael Gordon.
source : programme du CN D
Le solo Density 21,5 sur une partition d’Edgar Varèse a fait basculer la carrière de Carolyn Carlson (née en 1943). En 1973, en tournée à Hambourg avec la compagnie d’Alwin Nikolais, elle est remarquée par Rolf Liebermann, alors directeur de l’Opéra de Hambourg. Il lui propose d’écrire une pièce pour une soirée spéciale « Hommage à Varèse », qui aura lieu à l’Opéra de Paris dont il va prendre la direction. Carolyn Carlson accepte et chorégraphie Density 21,5 sur une partition pour flûte en platine de Varèse. Tout Carlson est déjà dans Density 21,5. Ligne longue et souple cassée par de petits gestes saccadés des bras, verticalité et spirale… La vibration typique de Carlson irradie cette pièce tendue sur le fil ultra fin de la mélodie. Déjà là aussi, sa façon unique de glisser une confidence intime sans jamais se départir de son élégance abstraite. Derrière Density 21,5 se profile déjà l’ombre de son solo emblématique Blue Lady (1983).
Avec Carlson, la danse moderne s’affiche pour la première dans le temple du ballet. Pour elle, Rolf Liebermann crée le titre d' »étoile-chorégraphe » et lui ouvre les portes du Palais Garnier. Elle y lance le Groupe de Recherche Théâtrale de l’Opéra de Paris (GRTOP) en 1974. Chaque matin, elle y travaille avec ses complices, des danseurs venus de l’extérieur, mais aussi des curieux du ballet de l’Opéra. Jusqu’en 1980, date à laquelle Rolf Liebermann quitte son poste de directeur, le GRTOP va ouvrir la voie à la nouvelle danse française.
Source : Rosita Boisseau, INA