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Cribles. Légende chorégraphique pour 1000 danseurs.
Cribles : Légende chorégraphique pour 1000 danseurs – pièce créée par Emmanuelle Huynh en 2009 au festival Montpellier Danse.
Des enfants
De ce monde ou bien de l’autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
Des plus anciens monuments poétiques
De l’humanité
Guillaume Apollinaire
« J’ai placé une camera obscura devant ce vers d’Alcools et j’ai alors entendu des cris, des rires, des ritournelles, vu des jeux, des cercles, des rondes, des files, des ponts, des dessins (desseins ?) archaïques, simples parfois désuets. J’ai aussi vu des versatilités invraisemblables, des déchaînements abusifs, des piétinements d’autrefois, des voyages intempestifs.
Devant, derrière, dessous, les ombres de ces danses se confondent avec elles. Comme si un glissement de terrain, une inversion pondérale déréglaient l’optique de ces gestes. Et aussi leurs figurations.
Face à nous, légendes, mythes, histoires, rites, sacres, annales, conjectures, épopées, intrigues remontent de dessous nos pieds de danseurs, font retour entre nos bras reliés.
Je ne peux me retenir de penser que je suis face à des archéologues qui ont perdu la mémoire mais pas les gestes.
Ces archéologues inventent des archives joyeuses, jamais stabilisées de sorte que chacun joue à fonder singulièrement et continuellement la communauté à laquelle il appartient.
Il s’agit pour moi dans ce travail, à travers une forme simple, la ronde, de faire remonter des fêtes, des sacres, des danses nuptiales, guerrières, des processions, des trépignements, des unissons, des décalages, des emboîtements, des jeux de jambes qui rappellent la comédie musicale. Cette ronde s’effondre, s’aplatit en ligne, quinconce, se transforme en bas relief, frise, tourbillon, carrousel, tourniquet, farandole, se colle au mur. Dans cette forme multiple où la communauté est première, la singularité surgit sans cesse, le « un » apparaît toujours dans son rapport dialogique et dynamique avec les autres, tantôt initiateur, tantôt entraîné. Une sorte de grande camera obscura mobile produira des moments plus ombrés, qui feront surgir ce que je pressens être « la face cachée » de la ronde, l’envers des conduites, le « dessous» des danses.
Cette machine sera à la fois source de lumière et écran sur lequel seront projetées des ombres filmées dans une idée de démultiplier les silhouettes des danseurs présents sur la scène. Et aussi de proposer une chorégraphie pour ombres et images projetées.
Persephassa, de par sa propre puissance, sa polyrythmie, est pensée comme un partenaire privilégié de la danse. Je ressens que sa construction en masses et blocs trouvent dans cette danse une actualisation visuelle et chorégraphique.
L’architecture sonore et spatiale avec ses disséminations et les transformations de la ronde décrites ci-dessus se répondent, se soutiennent réciproquement et se criblent entre elles.
Mon souhait serait d’arriver à ce que l’on se demande si on voit de la musique ou si on écoute de la danse.
Ce projet comporte des données importantes quant à la transformation de mon travail : c’est la première fois que je chorégraphie pour 10 danseurs, la façon de penser l’alliance avec la musique marque une étape ainsi que l’utilisation de l’image. »
Emmanuelle Huynh, 2009.
Source : site de la compagnie Mùa
En savoir plus : http://emmanuellehuynh.fr/index.php/fr/creations/36-cribles