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Chalet 1
Denis Plassard propose une mise en scène chorégraphiée du roman Chalet 1 d’André Baillon, composé d’une mosaïque de petits tableaux décrivant le quotidien d’un hôpital psychiatrique.
Chalet 1 de l’écrivain André Baillon doit son titre aux petits chalets de l’hôpital de la Salpêtrière. Il est écrit après un séjour dans le service des « petits mentaux ». Chalet 1 est une mosaïque de petits tableaux décrivant le quotidien de l’hôpital, des portraits de malades, de médecins, dont l’humour allège la noirceur. Jean Martin (sorte de double d’André Baillon) est le narrateur de ce récit constitué de courts chapitres au style resserré, lapidaire et très dialogué.
Un chœur chorégraphié
Les trois interprètes sont chacun assis sur un tabouret, comme pour une consultation psychiatrique ou un témoignage. Ils parlent ensemble à l’unisson, ou se partagent de façon dialoguée, voire musicale le texte incisif de Baillon. Les trois voix sont complémentaires ou contradictoires. Elle nous donnent l’impression d’entendre le chaos des pensées du patient Jean Martin. Nous suivons le galop de ses réflexions, de ses interminables scrupules et de ses points de vue contradictoires sur les infirmières, sur ses compagnons ou sur lui-même. Le dispositif est rudimentaire : 3 interprètes et 3 tabourets. Les corps sont à la fois la caisse de résonance du propos et la scénographie du film mental qui se projette. Le mouvement est organisé dans une chorégraphie démentielle, aussi précise et fantasque que le texte. Petit à petit, les corps prennent de plus en plus de place, ils viennent bousculer, contredire ou renforcer les paroles, sans jamais aller vers une représentation gestuelle stéréotypée ou hystérique de la folie. Au contraire, ils renforcent l’humanité et l’humour de l’auteur. Les mouvements sont la musique du texte, complémentaire mais jamais ni décorative ni illustrative. Les gestes et les paroles sont synchronisés avec une méticulosité obsessionnelle au point de rendre les contorsions et les soubresauts parfaitement naturels. Dans une totale sobriété scénographique et avec une stricte économie d’effets, la voix et le corps du malade Jean Martin sont démultipliés. Car au cœur de tout cela il y a la question de l’ambiguïté, de la multiplicité et de la complexité de l’individu.
Le texte
Cela fait plus de dix ans que le fantasme d’un chœur de comédiens chorégraphié au millimètre me hante. Sans aucune idée de texte, la vision d’une partition chorale pour voix et corps s’imposait à moi. Avec ce projet, je reviens donc vers des amours anciennes pour le texte et la mise en scène chorégraphiée (Le Terrier, Jours). Mais par un nouvel angle de recherche qui place le groupe au c(h)œur de l’écriture. La découverte de ce texte d’André Baillon a été le déclencheur. Il s’impose avec évidence à un croisement idéal entre une envie formelle déjà ancienne et mes préoccupations du moment pour le dédoublement, le trouble et l’ambiguïté. Là, dans un espace contraint, entre les murs de la Salpêtrière (la « pétète » comme ils disent à l’intérieur) se joue un petit théâtre follement humain. Simplement humain.
Source : Denis Plassard, mars 2011 – Programme Maison de la Danse