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Borrowed light
Le chorégraphe Tero Saarinen s’intéresse aux Shakers depuis la fin des années 80, lorsqu’il vit pour la première fois un documentaire sur les chorégraphies de Doris Humphrey inspirées des Shakers. Ce mouvement religieux radical des 18 ème et 19 ème siècles aux valeurs communautaires fortes et à l’esthétique fonctionnaliste d’une saisissante beauté marquèrent profondément Saarinen. Au fil des ans, il a continué à étudier l’architecture, le design et les idées des Shakers.
Au début du 21ème siècle, Saarinen découvre l’album de la Boston Camerata, Simple Gifts. La répétition obsessionnelle de la musique le bouleverse et l’idée d’une nouvelle création commence à germer dans son esprit. En 2002, il contacte Joel Cohen, directeur artistique de la Boston Camerata pour évoquer la possibilité d’une co-production. Au début du processus de création avec la Boston Camerata, Cohen a fredonné des mélodies à Saarinen. A partir de la centaine de chants archivés, ils en ont sélectionné 20, certains inédits. Saarinen et Cohen se sont rencontrés plusieurs fois en Europe et aux Etats-Unis et se sont rendus à la Sabbathday Lake Community pour rencontrer les quatre Shakers encore en vie à ce moment-là.
Il a fallu dix-huit mois d’un travail acharné pour que Saarinen et ses collaborateurs finalisent la chorégraphie et la forme visuelle de Borrowed Light. Le titre de la création s’inspire d’une pratique architecturale courante des Shakers consistant à intégrer aux pièces des fenêtres intérieures afin d’optimiser la lumière du jour et la productivité. Saarinen et ses fidèles collaborateurs, l’éclairagiste et scénographe Mikki Kunttu et la costumière Erika Turunen ont traité la lumière comme une métaphore religieuse.
L’univers visuel de l’oeuvre s’appuie sur une esthétique de la frugalité et l’accentuation des contraires. Les costumes mêlent feutrage épais et tissus légers transparents. L’éclairage joue sur les contrastes entre ombres mystiques et lumière intense.
Bien que toute l’équipe de création ne se soit réunie en un seul lieu qu’une semaine avant la première, le travail au long cours et le dévouement de tous les artistes impliqués ont permis à ces deux ensembles de s’harmoniser pour créer un spectacle unique.
Au-delà de la forte influence des Shakers, Borrowed Light aborde le thème de la société communautaire en général : « Ma principale source d’inspiration était les Shakers et au final je n’ai utilisé que de la musique Shaker originale ; le propos de cette création n’est pas le shakerisme, mais plutôt la communauté et la dévotion. Pour moi, la nature d’un engagement– qu’il soit religieux, artistique ou politique – est fondamentalement la même. »
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La musique shaker
La musique shaker emploie les moyens les plus simples pour
atteindre des niveaux de beauté et d’intensité émotionnelle
extraordinaires. La plupart du temps, les formes sont courtes
et binaires, et utilisent le langage mélodique et modal des
chansons folkloriques anglaises. Les compositeurs de ces
pièces étaient des Shakers ordinaires encouragés par la
communauté à exprimer leur spiritualité par le chant.
À l’apogée du mouvement shaker, l’interprétation de cette
musique était exclusivement vocale, interprétée par une
communauté chaste, a cappella et à l’unisson. Ainsi, ce
répertoire de musique vocale sacrée est d’une certaine
manière l’équivalent américain du chant grégorien.
Toutefois, une différence importante avec ce dernier est
la présence fréquente de rythmes de danse enlevés qui font
de ces chants, hier comme aujourd’hui, de parfaits moyens
d’expression du sentiment religieux par le mouvement.
Plusieurs milliers de ces chants ont été transcrits par les
Shakers, mais jusqu’à récemment seuls quelques-uns
étaient connus en dehors de la communauté. L’essentiel
de la musique de Borrowed Light a été transcrit à partir de
manuscrits et reste inédit à ce jour. Pour deux chants, en
l’occurrence Repentance et Verdant Grove nous pensons que
Borrowed Light les donne à entendre pour la première fois
en dehors de la communauté, et ce depuis plus de 150 ans.
Joel Cohen
Sources : Programme du spectacle.