Altérations

Hommage vibrant littéralement, Altérations / Kô Murobushi épouse au plus près les pulsations du corps de Murobushi (1947-2015) pour offrir une immersion en images et en sons dans les mondes radicaux du danseur de butô. Le film donne également à entendre son témoignage sur sa momie – une créature à la symbolique puissante par sa situation entre la vie et la mort – qu’il a régulièrement incarnée, et ses liens avec le cofondateur du butô (avec Kazuo Ono) Tatsumi Hijikata, dont il fut le disciple.

En 2006, Kô Murobushi avait demandé à Basile Doganis de filmer son travail pendant les dix ans qu’il lui restait à vivre. Accomplissant cette étrange prophétie, le danseur s’éclipsa même un peu avant la date fatidique. Fort des images qu’il a rassemblées pendant toute cette période, Doganis a opté pour un parti pris aussi radical que son sujet. Altérations déroule dans un unique mouvement – ponctué d’un seul dialogue face caméra – des images extraites de performances réalisées en extérieur, dans l’obscurité d’un appartement ou sur scène. Soutenu par une création sonore expérimentale mêlant souffle, crissements et sons de nature saturés, l’ensemble alterne avec des textes à l’écran du danseur. Il y a quelque chose de tellurique dans ces chorégraphies concrètes, brutales parfois, donnant à voir les humeurs d’un corps quasi nu s’altérant à loisir, comme pour mieux éprouver son environnement. À la diversité des images – noir et blanc, couleur, pellicule ou vidéo – répond la pluralité des lieux investis comme des états corporels d’un artiste pour qui la danse est un lieu limite, « un devoir absolu / une altération sans fin ».

(Caroline Châtelet)