Robert Wilson
Formé à l’architecture et à la décoration au Pratt Institute de Brooklyn et à la peinture à Paris, Robert Wilson débute comme scénographe, en 1965, avec America Hurrah de Jean-Claude Von Itallie. En 1968, il réalise les décors de Co-Op de M. Monk et, parallèlement, inspirée par les avancées de la post-modern dance, il développe une recherche plastique et formelle qui bouleverse le rapport espace-temps propre au théâtre. Le Regard du sourd (1971) en représente la première manifestation, reconnue d’emblée comme un événement majeur par Aragon qui y voit un choc aussi important que surréaliste. Dans la ligne et le prolongement de cette rupture, il met en scène Einstein on the Beach (1976), opéra de Ph. Glass, qui entérine l’avènement d’un « théâtre d’images » où les durées traditionnelles du théâtre se dilatent. Dilatation du temps portée à un degré hypnotique dans des œuvres comme Ka Mountains and Guardenia Terrace, créé à Chiraz en 1972, qui dure sept jours et sept nuits, ou Ouverture, présenté à Paris en 1972, et dont la durée est de 24 heures. Créateur polyvalent (vidéos, dessin, design, décors), il s’affirme comme l’un des artistes les plus révolutionnaires de la scène contemporaine et est alors en mesure de revisiter un répertoire plus traditionnel, qu’il s’agisse d’opéras ou d’auteurs comme Marguerite Duras, Gertrude Stein ou Gabriele d’Annunzio (Le Martyre de Saint Sébastien, 1988). Considérant qu’« une pièce est une construction architecturale basée sur des images », il déconstruit la perspective théâtrale au profit d’une écriture scénique séquentielle, constituée de tableaux, où les différentes temporalités du cinéma, de la photographie, de la musique, du texte et de la danse se juxtaposent sans jamais se nouer en une seule intrigue. Chaque partition existe pour l’espace qu’elle ouvre et, de ce point de vue, la danse (qu’elle soit celle d’A. DeGroat, L. Childs ou D.Reitz) y déploie ses silences propres, ses plages et ses plans singuliers sans que la composition d’ensemble en soit altérée. R. Wilson crée aussi des jeux de lumière d’une extrême précision, réglés comme une écriture spatiale et lumineuse. Tous ces éléments placent son œuvre à la lisière d’une sauvagerie, d’une psychose latente, conjurées par une forme de ritualisation où la lenteur est salvatrice.
Source : Daniel Dobbels, Virginie Rossigneux, Dictionnaire de la danse, sous la direction de Philippe Le Moal, Larousse, 2008