Téo Hernández
À la fois proche et éloigné de Jean Rouch, Téo Hernandez (1939-1992) a eu recours, pour filmer la ville, la nature, la mythologie, le corps et la danse, à une caméra super 8, nettement plus économique et légère que celle du substandard 16 mm adoptée en France par les adeptes du « cinéma vérité ». Il a monté ses films directement à la prise de vue, à la façon de Jonas Mekas, sans le souci de la retouche ou du repentir. Ses plans ne concurrencent jamais, par leur durée, les séquences et se réduisent à des jets, des flashes, des clignotements ou des flickers rappelant ceux du cinéma structurel. Entre deux flous produits par de brusques coups de zoom, l’image est d’un remarquable piqué. Le mouvement extrafilmique prend ses distances avec ce que montrent, ne serait-ce que par intermittence, les cadrages impressionnistes d’une vivacité étonnante. L’élan du danseur n’a que peu à voir avec l’agitation apparente, sous contrôle, les giclées incessantes, les mises au point approximatives autour du sujet traité ou donné. Le cinéma vérité, comme celui de Téo Hernandez, joue avec la dialectique de la « fraternisation-distanciation », suivant une « esthétique de l’improvisé, de la maladresse, de la spontanéité », pour citer Edgar Morin. Dans un texte de 1983, Téo Hernandez évoquait ainsi la nature de l’élan qui le motivait : « Le cinéma est une pulsion profonde et violente, réaction de la vision entière, effort de survie et de régénération ».
En 1985, il rencontre Bernardo Montet dont le travail lui inspirera la réalisation de la bande-son VITRIOL (1985) et des films Pas de ciel, co-produit par le TNDI de Chateauvallon,et Vloof l’aigrette ! Pain de singe (1987). Parmi la vingtaine de réalisations que l’on peut compter à son actif, on retiendra quelques titres particulièrement significatifs tels que Salomé (1976), Michel Nedjar (1978), Cristaux (1978), Nuestra Señora de Paris (1982), …
Nicolas Villodre
EXTRAIT DE CRITIQUE
« Téo Hernández est l’une des figures majeures de l’école du corps en France dans les années 1970. Son œuvre prolifique et protéiforme, tournée principalement en super 8, est empreinte de mysticisme baroque et d’une attention voluptueuse au corps masculin. Ce programme présente quelques films rares et inédits surgis des noces lumineuses – placées sous le signe du duende – de la cinégraphie de Téo Hernandez, filmeur dansant, et du geste chorégraphique de Bernardo Montet. »
Téo Hernández / Bernardo Montet, Centre Pompidou, 14 octobre 2009