Danse Ville Danse
Danse-Ville-Danse
Rencontres artistiques et confrontation des publics
Par Virginie Milliot-Belmadani
La break danse s’est développée depuis le début des années 1980 dans les banlieues populaires de l’agglomération lyonnaise. Elle a été réinventée par des jeunes qui se sont d’abord identifiés à ce que le mouvement Hip Hop représentait. Ils ont progressivement pris place dans l’espace public de leur quartier, puis du centre ville, pour se défier et s’entraîner à dessiner sur le béton armé, des mouvements circulaires et saccadés, avec l’énergie toute particulière de ceux qui s’engouffrent dans une brèche de possibles. Depuis le Hip Hop français a fait son chemin… Dans les espaces temps de ce mouvement, la break danse s’est développée selon sa propre dynamique. C’est une danse individuelle ou duale qui se déploie au centre d’un espace circulaire constitué par un public participant. Sous les regards du cercle, les danseurs s’évertuent à réaliser un ensemble de figures codées – la toupie, la couronne, etc.- selon une logique de performance, ou dansent face à face, selon la logique du défi. Chacun doit s’approprier ces figures référentes et réaliser à partir de ce langage commun, une performance originale. C’est un langage artistique en perpétuelle évolution, qui se transmet et s’enrichit, de la pratique à la pratique, de répétitions en récréations, d’improvisations en innovations…
Le passage « de la rue à la scène » ne s’est pas réalisé sans transformations. Mais la dynamique créative propre à ce mouvement reste particulièrement vive. Des événements comme danse, ville, danse, montrent la diversité foisonnante des réinventions, croisements et métissages qui se sont effectués en France à partir de ce premier langage. Ils font se rencontrer des artistes issus de ce mouvement qui, comme Aktuel Force, cultivent et revendiquent l’authenticité et l’intégrité de leur danse, d’autres qui, comme Zoro, inventent un langage à la croisée de la break danse et du Butô japonais – ou de la danse africaine, la capoeira, ou la danse contemporaine – et d’autres enfin, comme la compagnie parisienne Quintessence, qui inventent un langage hybride, entre danse et image virtuelle, Hip Hop, danse classique et danse contemporaine… Ces innovations sont différemment évaluées par les différents publics concernés. Lors de ces « danse, ville, danse », deux mondes, avec chacun leurs critères d’évaluation, leurs conventions artistiques et leurs manières d’apprécier, se trouvent rassemblés… et la confrontation de ces publics nous rappelle ce lien analysé par Pierre Bourdieu entre les « règles de l’art » et « l’art de vivre »…
Source : Virginie Milliot-Belmadani, Les cahiers millénaires, « Les enjeux de la reconnaissance du hip-hop », Grand Lyon Mission Prospective et Stratégie d’agglomération
– Trois éditions de danse, ville, danse ont été produites : en 1993, en 1997 et en 2001.