Dalila Belaza
Enfant, Dalila Belaza ne danse pas, elle écoute. Les contes, transmis par tradition orale dans le cercle familial, infusent son imaginaire et lui donnent le goût du récit. Ces histoires, berceau de sa pratique, prennent vie sur scène au travers des corps. Loin d’être muette, sa danse nous fait voir le récit qui l’a habitée, ainsi qu’en un miroir tendu au paysage : « le point de départ d’une expansion intérieure sans fin et sans retour d’une route qui se dessine, de paysages qui se manifestent, de tout ce qui n’existait pas l’instant d’avant moi ». (1)
Sur ce territoire autrefois interdit et pour toujours étranger, Dalila Belaza trace son chemin depuis bientôt trente ans. Un sillon infiniment fertile, nourri par une intuition immédiate : la danse ne sera ni un moyen de séduction, ni une fabrique à images spectaculaires, ni un exutoire. Telle une équilibriste, elle cherche à comprendre ce qui nous échappe, tout en se dérobant à toute tentative de définition. La danse est un mystère en mouvement. En travaillant la disposition et la disponibilité des corps, tant au niveau de la posture que du souffle et du rapport à l’espace, elle façonne chaque geste pour se tourner, tout entière, vers l’écoute. « Dalila Belaza remarque qu’elle a toujours considéré “l’espace du travail comme un espace sacré », témoignant un respect particulier pour ce qui allait être vécu : un acte pur dégagé [d’elle]-même. »(2)
Sa démarche, guidée par une nécessité de sens et d’élévation, est avant tout un mouvement de recherche : celui de donner corps à l’invisible et au trouble, afin de plonger spectateurs et interprètes dans l’expérience de ce qui est en eux. En tournant son regard vers l’intérieur, Dalila Belaza ne danse pas pour autant la fermeture. Les mémoires profondes du corps, habité par un espace intérieur sans limite, font de l’intimité un monde tout entier à explorer.
Je recherche le récit intime, mystérieux et immuable qui sommeille en nous. Ce qui parle de l’être dans un sens essentiel et qui peut rassembler. Je crée pour cela les conditions qui permettent d’ouvrir, de questionner l’intime ; comme pour en extraire une histoire des hommes réinventée. Dalila Belaza
Ce monde, elle l’a d’abord parcouru au côté de sa sœur, la chorégraphe Nacera Belaza, à qui elle est liée par une exigence commune et une approche du corps en tant que phénomène en lien à d’autres phénomènes. La danse comme cheminement intérieur, plongée verticale, langage opaque mais essentiel, les unit durablement. Interprète et partenaire artistique privilégiée de la compagnie éponyme de sa sœur, Dalila Belaza est, vingt ans durant, telle un alter ego en sa maison. C’est en se rendant en Aveyron, en 2019, qu’elle rencontre l’altérité : le groupe de danse folklorique Lous Castelous. Mue par une certitude profonde, Dalila Belaza sait la nécessité pour elle d’aller maintenant sonder un monde nouveau en tant que chorégraphe et interprète. Dès lors, elle crée un espace pour elle-même, hiya compagnie.
C’est parce que la danse existe avant tout dans la résonance, que les trois premières créations de sa compagnie, Au cœur, Figures et Rive, s’inscrivent dans une continuité cohérente, ramification d’un long cheminement intellectuel, entamé par Dalila Belaza bien avant la création de sa compagnie. Son imagination, réseau de sens intarissable, irrigue ces pièces d’une même intention matricielle : créer des intersections entre la mémoire des rituels folklorique et les gestes de la danse contemporaine afin que jaillisse un troisième territoire, la danse comme un langage universel et hors du temps.
Sur la sente de son imaginaire, Dalila Belaza fait étape à La Briqueterie – CDCN du Val-de-Marne, où elle sera artiste associée de 2024 à 2026. En 2025, elle donnera forme à sa prochaine création Orage.
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(1), Dalila Belaza
(2), Frédérique Villemur, Entre deux rives, Actes Sud, 2018
(3), Biographie rédigée par Clara Colson