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La Danse des sept tours
Extrait
La Danse des sept tours est un duo chorégraphique et théâtral directement inspiré par le poème du romancier et dramaturge français Laurent Gaudé, Le Chant des sept tours (in De Sang et de Lumière, Actes Sud, 2017). Saisie par le lyrisme et la force de ce texte racontant la tragédie humaine de la traite négrière, la chorégraphe Florence Gnarido entreprend d’en livrer une adaptation chorégraphique tout en conservant une place importante aux mots, avec la collaboration de la comédienne béninoise Florisse Adjanohoun.
La pièce participe d’une réflexion sur la mémoire : celles des captifs que sept tours – pour les femmes – et neuf pour les hommes, autour de l’arbre de l’oubli, visaient à effacer; celle tiraillée d’un pays, le Bénin, qui participa activement au commerce triangulaire ; celle aussi ravivée par le retour dans l’ancien royaume du Dahomey des 26 trésors royaux, pillés pendant la conquête coloniale et restitués en 2021 par la France, que des centaines de milliers de Béninois ont pu redécouvrir, lors d’une exposition magistrale à Cotonou en 2022.
Pour créer cette pièce, Florence Gnarigo se documente abondamment sur l’esclavage, recueille la parole des habitants de Ouidah, l’un des principaux points d’embarquement vers les Amériques. La scénographie et le matériel chorégraphique suggèrent les rapports de domination qui subsistent entre cultures au Bénin. Originaire du Nord, la chorégraphe rappelle par son costume le lourd tribut des populations de cette région à l’esclavage, razziées et vendues par les royaumes du Sud. Objet du quotidien rural, la calebasse représente cette mémoire recueillie, urne funéraire fragile qui frappe sur le cœur et contre l’oubli. Aux danses du Rwanda et d’Afrique du Sud, se mêlent des danses de cérémonie, aux traits assez similaires, des Waama, des Berba et des Otammari, dits peuple Somba du Nord, encore parfois considérés par ceux du Sud comme sauvages ou dénués de civilisation.
Hommage aux millions d’esclaves africains arrachés dans une brutalité extrême à leur terre, la pièce se termine tel un rituel : au milieu d’un cercle de statuettes symbolisant les âmes des déportés, la danse, témoignage de leur histoire douloureuse, vient les délivrer de l’oubli. « A chaque fois que je danse ce spectacle, rapporte la chorégraphe, j’ai l’impression qu’à la fin, je libère les esprits des esclaves, et que leurs âmes s’envolent en paix : leur lutte n’aura pas été vaine car le souvenir de leur tragédie se perpétue ».
Création : 12 décembre 2022 à l’Institut Français du Togo, Lomé.
Tournée 2023 : Ghana, Bénin, Togo, Côte d’Ivoire.
Captation du 7 décembre 2023, Festival Instant Togo, Espace Fiôhomé, Lomé.
Source : Interview de Florence Gnarigo par Anne Décoret-Ahiha, 16 juin 2023, Cotonou (Bénin), 8 décembre 2023, Lomé (Togo)