Ce contenu contient des scènes pouvant choquer un public non averti.
Souhaitez-vous tout de même le visionner ?
Strawberry cream and gunpowder
Sept excellents danseurs dont certains issus de la Batsheva Dance Company, un musicien compositeur, au service d’une
œuvre engagée, éprouvante, qui dit l’horreur larvée d’un pays en état de guerre latente.
Certaines photos d’actualité ont bouleversé le monde entier, tant diffusées qu’elles sont entrées dans une culture commune, hissées au rang d’icônes de notre temps. Pour certaines, elles ne sont du reste pas sans rappeler les grandes représentations religieuses. Parmi ces images, celles du conflit israélo-palestinien sont au centre de la pièce de la jeune chorégraphe Yasmeen Godder. Elles ont envahi l’espace du studio de danse, elles ont été la matière préalable, ont façonné et questionné les danseurs. Ceux-ci ont emprunté la place
des corps sur la photo, leur texture, leur abandon, leur crispation. Ils ont joué les rôles : celui de l’agresseur, celui de la victime, se refusant à toute tentative d’explication de la situation, à tout commentaire.
Ils se sont interrogés sur le pouvoir considérable que peut prendre la mort sur une photo, comment celui-ci contrôle le conscient et l’inconscient de celui qui la regarde. D’autres images encore surgissent, en surimpression, Edward Munch, Bill Viola, Magritte… La
force de la pièce réside là : s’éloignant de la surenchère qui conduit dangereusement à l’indifférence, elle permet à chacun d’accéder à ses propres sentiments sans discours, sans pleurs, sans cris.
Dès la première image -deux filles accrochées l’une à l’autre par les genoux-, la tension nerveuse ne fait qu’augmenter, culminant dans une scène de fureur où chacun perd pied. Aucune issue à la panique sinon la danse qui donne forme à la brutalité. Elle dit la torture, la mort, l’humiliation sexuelle, mais en offre une traduction gestuelle décalée. Dans cet emballement nerveux, les regards des danseurs tissent un réseau de sens supplémentaire : abrutissement, impuissance, joie aussi parfois.
À ce travail de regard, que l’on voit de plus en plus sur les scènes de danse contemporaine, s’ajoute celui du visage, dont on sait aussi combien il obsède les chorégraphes d’aujourd’hui. La violence du propos de Yasmeen Godder oblige à un conditionnement de tout le corps.
Source : Programme de salle de la Maison de la Danse de Lyon