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Cendrillon
« Lorsque Petrika Ionesco m’a soufflé l’idée d’une Cendrillon hollywoodienne, j’ai commencé par être très réticent : je craignais une déformation abusive du conte de Perrault. Dois-je regretter que cette suggestion se soit insidieusement glissée dans ma tête, au point de ne plus me lâcher ? J’ai finalement dit oui, et aussitôt j’ai travaillé à la chorégraphie, en fonction de cette idée.
L’époque est celle des années 30 et 40. Celle d’un moment de la vie de Prokoviev, où rentré dans son pays, l’URSS, il éprouvait pour l’Occident une sourde nostalgie. Cendrillon n’est pas très russe. C’est même ce qu’il a fait de plus occidental. Non seulement la musique dicte le ton, mais les danses sont décalées par rapport au contexte. C’est ce décalage que nous avons voulu rendre, en transposant le conte dans l’univers du cinéma.
Cependant, dans cette version, la mécanique de l’histoire n’a pas changé. On y retrouve les deux sœurs ridicules et diaboliques, la terrible marâtre, le père tiraillé entre sa nouvelle femme et cette jeune fille – Cendrillon – sa fille, dont il sait bien qu’elle est maltraitée et doit, pour survivre, se réfugier dans le rêve d’une vie qui lui est interdite.
Tout le drame de Cendrillon, c’est la marche du temps, la peur de voir son rêve s’écrouler, son bonheur fuir avec sa jeunesse. C’est pour cela qu’elle se sauve au moment où l’amour la transfigure. Moi-même, je conçois la vie éternelle comme un luxe suprême !
Le ballet Cendrillon est devenu un rêve de cinéma. Un rêve de robe blanche, teintée d’un peu de rose pour rendre hommage à l’innocence, légèrement argentée aussi, parce que Cendrillon est un personnage d’aujourd’hui, elle ne rêve qu’à une chose : devenir star. Dans ma version de Cendrillon, la fée s’est alors métamorphosée en producteur de cinéma, seul personnage de la mythologie moderne capable, par la magie de son art, de transformer une citrouille en carrosserie de voiture. »
Source : Rudolf Noureev – 1986
En savoir plus : noureev.org