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Prudence ou les émotions subtiles
Lorsqu’il composait Justine, Sade avait défini le mot prudence de cette façon : « Elle recherche fortune de nouveau près d’un torrent débordé, elle voit deux chemins, une barque fort dangereuse et un pont. Par prudence, elle passe sur le pont, qui s’écroule quand elle est dessus. »
Comme Justine, les douze personnages de cette pièce, danseurs, enfants, comédiens, accompliront une quête incessante vers une espèce d’absolu qui leur échappe.
Comme Justine, les douze personnages de cette pièce, danseurs, enfants, comédiens accompliront une quête incessante vers une espèce d’absolu qui leur échappe.
Prudents ou pas, ils seront tous confrontés tôt ou tard à cette interrogation fatale sur la vie, la mort, l’au-delà et les fondements de l’être. Avant cela et au commencement de toute action « théâtrale », ils seront mus par une animation secrète, une frénésie essentielle, une violence s’emparant d’eux, les consumant comme le feu, une passion ravageuse : « le désir ».
Le désir, cette pulsion irrésistible sera donc l’axe de toute notre pièce chorégraphique. Placée sous le signe du vertige, cette représentation propose un sujet qui fournit les contrastes les plus marqués, qui occasionne de rapides passages des ténèbres à la lumière, de l’épouvante au plaisir.
Une curieuse excitation poussera les personnages à extrémiser, hurler, pleurer, rire, vivre à vif, rechercher une intensité maximale, et si possible cumulative, contre une vie insensée, insignifiante, une existence « régulière », tout ce rêve communément partagé dans l’univers d’une même folie.
Ce désir multiple amènera, en ce qui concerne le rythme, une espèce de mobilité « érotique » perpétuelle, « une gestation luciférienne ». Sade, qui est sans précédent dans sa prédisposition à faire parler le désir, sera, grâce à son univers, à l’origine de ce paroxysme rythmique. Avec lui le désir poursuit un désir, qui poursuit un désir, qui en poursuit un autre, et ainsi de suite… Il ne dégénère pas en assouvissement.
Aucune indication ne permettra de situer l’action, si ce n’est une espèce de lieu intermédiaire entre le palais et la grotte, (l’homme opposé à la bête).
Ce lieu intermédiaire sera fidèle à l’image des grandes représentations baroques du XVIIIème, pas de limites, on peut toujours aller plus loin, en hant en vas, associant la démesure de l’homme à la mesure de l’univers.
Source : Josette Baïz, Notes sur Prudence – Catalogue de la Biennale de la danse 1986