Eun-Me Ahn
Ah, cette délicieuse tarte à la crème qu’est la confrontation “entre tradition et modernité”…Combien de créateurs se sont débattus pour trouver le moyen de décrire ce qui finalement est le lot de tout artiste : d’une part, connaître, comprendre, assimiler ce qu’ont fait les anciens, d’une autre, les oublier, les dépasser, pour espérer trouver quelque chose de nouveau. Vaste programme…Sur ce terrain, Eun-Me Ahn que la France à découverte en 2013 et 2014 grâce au festival Paris Quartier d’Eté, a trouvé pour sa part des voies nouvelles, inattendues et excitantes.
Cela tient d’abord à son propre itinéraire, marqué aussi bien par l’apprentissage et l’exploration des traditions chamaniques, que par de longues années passées à New York, ou encore par une amitié profonde avec la regrettée Pina Bausch (dont elle a été à plusieurs reprises l’invitée à Wuppertal). Coréenne et cosmopolite, figure de l’avant-garde mais aussi chorégraphe de la très officielle cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football à Daegu en 2002 et présentée dans les plus grands festivals internationaux, elle sait cultiver les beautés du contraste, mélanger les pois, les rayures et les fleurs, jouer des couleurs les plus pop avant de basculer dans la plus solennelle austérité, jouer des plus subtiles nuances de l’androgynie, ou miser sur la lenteur pour mieux faire éclater les rythmes de la transe…
Formée à l’école de la rigueur, précise, exigeante, et d’une discipline toute coréenne, Eun-Me Ahn est aussi une performeuse risque-tout, prête à toutes les pirateries. On l’a ainsi vue se jeter du haut d’une grue, puis, s’attaquer à un piano à coups de hache et de ciseaux, déchirer elle-même sa robe de fée confectionnée à l’aide de cravates blanches pour en distribuer les lambeaux au public tout en exécutant une Danse de l’ours en peluche tirée d’un conte de fées, s’ensevelir, en costume de clown, sous une pluie de ballons, enfermée derrière des barreaux en duo avec un poulet, ou encore déguisée en champignon… Mais on aurait tort de croire qu’il s’agit de provocation. Plutôt l’affirmation d’une curiosité et d’une liberté tenues par le travail et le style et poussées dans leurs retranchements les moins attendus.
Source : Gadja productions