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Removing
L’observation des mouvements d’autrui peut susciter des expériences proprioceptives et kinesthésiques. Removing explore cet aspect de la perception du mouvement en travaillant à partir de mouvements définis par des buts pratiques : frapper, lancer…
L’observation des mouvements d’autrui peut susciter des expériences proprioceptives et kinesthésiques. Removing explore cet aspect de la perception du mouvement en travaillant à partir de mouvements définis par des buts pratiques : frapper, lancer, éviter, attraper, etc. Contrairement aux mouvements définis de manière géométrique ou mécanique, il s’agit d’un vocabulaire de gestes que les danseurs partagent avec le public. On pense rarement à former une ligne avec sa jambe ou à laisser tomber le poids de son bras, tandis que la plupart de nos mouvements quotidiens sont motivés par des buts pratiques : atteindre un lieu, saisir un objet, éviter un meuble… Le fait de s’appuyer sur un vocabulaire commun permet d’accentuer l’empathie et la résonance kinesthésique. Si l’on exécute simplement ces actions motivées par un but pratique, l’expérience du mouvement tend à s’effacer derrière la reconnaissance du but. Pour focaliser l’attention sur le mouvement, j’ai supprimé les indices qui permettent de l’identifier avec certitude. On s’éloigne ainsi de l’exécution littérale de l’action ou du mime. Par exemple, une des séquences s’appuie sur une série de coups, mais les coups sont exécutés avec des parties du corps inhabituelles vers des objets imaginaires. On garde ainsi pour l’interprète la définition du mouvement par le but pratique tout en supprimant pour l’observateur ce qui rend possible l’identification de ce but. Cela permet de capturer les caractéristiques motrices liées à l’action de frapper : dynamique, impact, vitesse, investissement physique, affect, etc., tout en orientant l’attention sur le mouvement lui-même et non sur l’accomplissement du but. Nous avons aussi créé des séquences de mouvements composées uniquement de préparations pour d’autres mouvements : prise d’élan avant un saut, un changement de direction ou une rotation. Le danseur se projette continuellement vers des mouvements qui ne viennent jamais. Cette ellipse constante permet de rendre visible l’intention du danseur, car celle-ci affecte les gestes qui précèdent l’accomplissement du but. Son intention est en excès par rapport au mouvement qu’il exécute et cet excès, ce débordement de l’intention sur l’action, transforme le mouvement et fait apparaître la manière dont le danseur se projette vers le but qu’il se donne. Je me suis aussi penché sur des actions orientées vers le corps de l’autre en m’appuyant sur le Jiu Jitsu brésilien. Lorsque l’on observe un combat, il est le plus souvent impossible de comprendre ce qu’essaie d’accomplir chaque combattant, si l’on ne connaît pas cet art martial. Les mouvements n’évoquent alors pas une lutte mais plutôt un enlacement sensuel ou une action extrêmement précise sur le corps de l’autre dont le but reste opaque. Nous avons reproduit aussi précisément que possible un combat de Jiu Jitsu brésilien, mais contrairement au combat réel, les deux danseurs collaborent dans l’exécution de cette séquence de mouvements. Les actions sont principalement attraper, pousser, tirer, etc. Les deux danseurs se contraignent mutuellement et c’est cette contrainte qui génère le mouvement. La composition s’appuie sur différents niveaux d’unissons, sur différentes manières pour des séquences de mouvements d’avoir des paramètres communs : même structure géométrique dans l’espace, même type d’action, même partie du corps mis en jeu, etc. Les ressemblances peuvent être extrêmement fortes ou au contraire à peine perceptibles. Elles permettent de créer différents types de contrepoint (duo + solo, duo + solo + solo, duo + duo, etc.) et d’orienter l’attention du spectateur sans imposer une lecture spécifique.
Noé Soulier
Source : Programme Maison de la Danse – 2016