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La Maison du sourd

Année de réalisation
2008

L’inspiration de cette pièce pour six danseurs et trois musiciens créée en 2008 dans le cadre d’un projet européen franco-espagnol, trouve naissance dans les peintures noires de Francisco Goya.

Cette pièce de groupe pour six danseurs et trois musiciens a été créée dans le cadre d’un projet européen franco-espagnol, à l’instar du dispositif qui avait engendré la création de « Cantieri » en 2002. Présentée successivement au Théâtre national de Bretagne de Rennes à l’automne 2008 lors du festival Mettre en scène – au sein duquel on se souvient que Catherine Diverrès a déjà présenté « Le Double de la bataille » en 1999 et « Solides » en 2004 –, puis en Espagne au Teatro de la Laborial Asturas de Gijon en mars 2009 avant le Teatro del Canal de Madrid dans le cadre du festival Madrid en Danza de la même année, sa création intervient au moment où Catherine Diverrès opère son départ du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (CCNRB) qu’elle dirige depuis quinze ans.

Se prêtant complètement au jeu de la coopération transfrontalière, la pièce mêle des interprètes des deux nationalités : quatre Français familiers du travail de Catherine Diverrès et deux Espagnoles, recrutées à l’issue d’une formation autour de sa précédente création « Blowin’ », dispensée à l’Institut Français de Madrid peu auparavant par la chorégraphe rennaise. Dans ses propos, la chorégraphe établit nettement un lien avec cette pièce et insiste sur l’acuité de l’écoute développée chez ses interprètes lors de cette ambitieuse mise en œuvre des principes d’improvisation, dont ils se trouvent encore imprégnés à l’amorce de ce nouveau travail de création (voir « Une heure avec Catherine Diverrès », CND, 2008).

Dans le prolongement de cette précédente pièce, la musique sera interprétée cette fois en direct par les mêmes improvisateurs Seijiro Murayama et Jean-Luc Guionnet. Ils se prêtent également au jeu du partage de la distribution en accueillant à leurs côtés un musicien transpyrénéen, Mattin, tandis que Catherine Diverrès ouvre l’écriture de la pièce à la chorégraphe espagnole Monica Valenciano, rencontrée quelques années auparavant lors de sa venue au CCNRB.

Le processus de création se voit naturellement infléchi par cette signature duelle. Ensemble, les deux chorégraphes conviennent de mener indépendamment leur travail, dans une imprégnation commune de la lecture de Maria Zambrano, dont les écrits philosophiques interrogent la frontière de l’intime et du collectif à travers la question de son positionnement sous le franquisme. La participation de la chorégraphe espagnole est fixée en amont à une séquence de 10 minutes, accompagnée d’une réalisation du vidéaste espagnol Chus Dominguez (« Impregnaciones en la señorita nieve y guitarra », 2008, 13 min) dont elle est la protagoniste.

La création débute par trois semaines de travail à l’Institut Français de Madrid au cours desquelles les interprètes forgent une proposition sous la direction de Monica Valenciano avant de retourner à Rennes auprès de Catherine Diverrès. Celle-ci choisit de déployer largement ses axes de travail autour de la question des frontières, des limites amenant à ce qui sépare l’Intime, le Privé, du Public, de la Maison et partant, au peintre Francisco Goya et à la maison qu’il occupât six ans dans la campagne environnante de Madrid, alors sourd depuis vingt ans des suites d’une sévère maladie.

Le titre de « La Maison du sourd » ‑ La quinta del sordo  ‑ retenu par la chorégraphe, reprend la dénomination alors employée par son voisinage pour désigner cette bâtisse organisée sur deux niveaux dont le peintre madrilène recouvre progressivement les murs d’un incroyable cycle de quatorze peintures réalisées al secco, ultérieurement désignées comme « peintures noires » en raison des sujets sombres et souvent fantastiques, violents et torturés qu’elles mettent en scène.

Catherine Diverrès rend ici un hommage subtil à ce qui constitue à ses yeux l’un des gestes artistiques majeurs de la peinture contemporaine en faisant basculer F. Goya du statut de peintre officiel du roi à celui de peintre des peintures noires, de la figuration au fantastique, et en lui faisant franchir la frontière de l’exploration de l’inconscient dont les premiers signes remontent à sa première maladie dans les années 1790. Son tableau « Le Préau des fous » en est un premier témoignage.

Si l’œuvre de Goya a nourri la pièce, elle n’est cependant citée qu’en filigrane, à l’image de cette silhouette d’âne vertical perché sur des échasses ou se balançant sur une escarpolette, ou encore cette élégante robe de dentelle blanche, que surmonte un masque de figure grimaçantes, etc… A travers ces citations, c’est aussi son répertoire que Catherine Diverrès revisite en retournant à ces visions fanstasmagoriques dont elle avait déjà peuplé la pièce « Ces poussières » en 1993.

Pour la scénographie, Laurent Peduzzi, avec qui elle perpétue la collaboration initiée depuis « Corpus » en 1999, imagine un écran de tulle tendu au milieu de la scène, se déplaçant à l’image des flux et reflux la mémoire (présent, passé, latence, résurgence,…) et parcourt la pièce tel un fil conducteur évoquant ces temporalités enchevêtrées.

Claire Delcroix, mars 2016

Chorégraphie
Année de réalisation
2008
Durée
80 minutes
Lumières
Marie-Christine Soma assistée d’Eric Corlay
Autre collaboration
Artistes invités Mónica Valenciano, chorégraphe ; Chus Domínguez, vidéaste
Interprétation
Fabrice Dasse, Julien Fouché, Emilio Urbina, Thierry Micouin, Mónica García, Pilar Andrés Contreras musiciens Seijiro Murayama, percussions ; Jean-Luc Guionnet, ordinateur ; Mattin, ordinateur et voix
Scénographie
Laurent Peduzzi
Production vidéo
Thierry Micouin
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