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Instance

Année de réalisation
1993
Année de création
1983

Première création officielle du duo Diverrès-Montet, cette pièce est créée en 1983 au théâtre Terpsychore de Tokyo, au cours d’un voyage effectué au Japon auprès de Kazuo Ohno.

Première création officielle du duo Diverrès-Montet – qui vient alors de se constituer en Studio DM –, et unique chorégraphie à porter cette double signature, Instance dessine avec force et délicatesse nombre des éléments préfigurant l’œuvre à venir. Créée en 1983 au théâtre Terpsychore à Tokyo, au cours d’un voyage d’étude effectué au Japon auprès de Kasuo Ohno, l’on dira de cette pièce qu’elle laissa « muet le maître du butô en personne. » Instance obtient le premier prix au Concours international de chorégraphie de Nyon (Suisse) et le prix de la ville de Vernier. Cependant, la pièce ne fait autorité qu’en 1987, lors de sa reprise au Festival d’Avignon, puis au Théâtre de la Ville.

D’une épure graphique poussée à son paroxysme, Instance délimite un territoire singulier se jouant d’une atmosphère tout en clair-obscur, qui semble progressivement mu de forces incompressibles.

Au début, l’on distingue une sorte de figure bicéphale oscillant d’un côté à l’autre, dont seuls les visages sont éclairés. La pénombre alentours leur confère un état de profond secret, voire d’enfouissement en d’incommensurables ténèbres, comme s’ils étaient perdus dans une forêt qui n’aurait ni de fin ni de fond. Ainsi les deux visages, lunaire pour Catherine Diverrès, aux aguets pour Bernardo Montet, s’offrant d’emblée à la lumière, semblent-ils contenir en leur creux une puissance d’intimité mêlée presque fraternelle. L’éclairage des corps intervient en même temps qu’il les genre, la femme en longue robe de soie rouge, l’homme en costume de ville beige et gris.

« Moi-Toi ? Est-ce que c’est uniquement une double personne ? Moi-Toi, ce n’est pas du tout un qui est deux, ni deux qui sont un, Moi-Toi, c’est l’expérience où tout est inclus. Si on arrive à ce point-là, la terre, le soleil, les vents, les cris des oiseaux, la lumière du dedans, les grandes marées, tout est présent. » [1]

Il s’agit là d’une danse qui installe sa densité dans une économie de temps particulière. Si au début le détachement des corps, puis leur déploiement dans l’espace s’effectuent sans hâte, très vite les corps s’appréhendent en leurs crises. Cet état de tension permanent prend sa source dans le mouvement même, attraction/répulsion, prise de pouvoirs des corps/abandon des corps, suspensions/relâchés, mais aussi dans les jeux de contraste entre lumières et obscurité, noir et couleurs, masculin et féminin, petit espace et grand espace,… qui finissent par provoquer un récit. Les corps, comme la plupart du temps dans les œuvres de Catherine Diverrès, semblent investir leur place d’homme et de femme, induisant par là de prime abord un rapport au genre et à la relation assez archétypal : l’étreinte, notamment, est traitée comme un accident, une mise en tension, une étape et non comme un état naturel des corps. De là surgit une violence sporadique, éparse, mais cependant paradigmatique des conflits métaphysiques adjacents et/ou sous-jacents qui hantent Instance, lesquels affranchissent assez vite le propos de la pièce du seul clivage entre masculin et féminin.

« La route s’élève en spirales
Pas de droite, pas de plan
Retourne-toi, sur toi-même : regarde-moi
La route s’élève en spirales
Reste une odeur de fraises écrasées. » [2]

L’évidence de multiplicité, à l’oeuvre dans chacun des deux corps, se lit notamment lors des passages par l’état de solitude ; en effet, le corps qui danserait seul pourrait finalement éprouver toute la violence de la binarité que chacun d’entre nous contient en lui…

« La sole reste longtemps au fond de l’eau. Très longtemps. Elle accepte la pression de l’eau. Cela, c’est le sommet de la danse. Arriver à accumuler le poids du monde, le poids des sentiments, de beaucoup de choses…et le retenir. » [3]

Alice GERVAIS-RAGU

[1] Jerzy Grotowski, Je-tu où la naissance partagée
[2] Catherine Diverrès, à propos d’Instance
[3] Kazuo Ohno

RÉCEPTION CRITIQUE

« Instance fascine par sa puissance autant que par son vertige. Le duo chaviré saisi dans le halo des lumières fait couler l’encre. Deux fragments de textes, en guise de note d’intention, sont restés dans les dossiers de la compagnie. D’une certaine manière, ils donnent le ton et les raisons du saisissement public et critique devant cette apparition. »

Irène Filiberti, « Se trouver, se perdre, inventer » in Catherine Diverrès, Mémoires passantes, Ed. centre national de la danse, 2010

« (…) Instance donne aux deux danseurs l’occasion de revenir à leurs sources. Elle parle surtout de la nécessité à danser. (…) Pleurer en dansant, ou s’asphyxier de ne pas danser. (…) Diverrès-Montet se précipitent dans un puits sans fin. »

Chantal Aubry, 1987

« Instance, selon Catherine Diverrès, parle de forces métaphysiques. Si ce premier duo traite du masculin et du féminin, il ne se donne pas comme la représentation du couple qui danse. Cette pièce porte sur l’abstraction des pôles négatif-positif et rejoint une danse intense et sophistiquée. »

Irène Filiberti, « Se trouver, se perdre, inventer » in Catherine Diverrès, Mémoires passantes, Ed. centre national de la danse, 2010

dernière mise à jour : mars 2014

Année de réalisation
1993
Année de création
1983
Durée
55 minutes
Lumières
Pierre-Yves Lohier
Musique originale
Eiji Nakazawa
Interprétation
Catherine Diverrès et Bernardo Montet
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