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Végétal [les feuilles]
« « Végétal », c’est l’envie de retrouver la chlorophylle qui court dans mes veines. Une matière brute. Arbre, univers végétal, croissance. Les retrouvailles avec l’arbre que je suis. C’est la rencontre avec l’oeuvre d’Andy Goldsworthy, et tout de suite l’intuition que nos recherches s’inspirent des mêmes énergies » (Régine Chopinot, citée dans le programme de Sigma 31 à Bordeaux, où la pièce est présentée en novembre 1995).
Partie d’une recherche personnelle sur la naissance des gestes qui l’amène à se confronter aux éléments, Régine Chopinot découvre l’oeuvre de l’artiste anglais Andy Goldsworthy du courant du land art, auteurs d’œuvres éphémères généralement en plein air et sculptées à partir de matériaux naturels. La chorégraphe est frappée par les résonances avec ses proposes recherches. Goldsworthy est reconnu sur le plan international et voit ses œuvres présentées à travers le monde, il travaille pour la première fois sur un spectacle à l’occasion de « Végétal » et réitérera cette expérience avec « La Danse du temps » en 1999, également avec le Ballet Atlantique-Régine Chopinot (BARC).
Dans le cadre du processus de création, la compagnie s’est rendue dans la campagne écossaise pour construire des nids et des cabanes. Un projet de film tourné dans la forêt, dont des traces sont présentes dans l’inventaire du fonds d’archives du BARC déposé à la Médiathèque du CND, est même initié en 1996 mais ne verra finalement pas le jour.
Dans le cadre d’un grand cercle au sol, les danseurs de « Végétal », par des gestes simples au sol ou verticaux, manipulent des éléments naturels : pierres, feuilles, morceaux de bois, pour construire des formes, sculpter l’argile et célébrer la nature.
Cinq parties composent cette pièce : Terre, Graine, Racine, Branche, Feuille.
Pour le premier tableau, Terre, trois danseurs dont les corps montent et descendent sont disposés autour d’un amas de terre rouge. Ensuite, pour Graine, six danseurs construisent une colonne de pierres. Pour le troisième tableau, Racine, sur le mur situé en fond de scène, une œuvre géante constituée à partir d’une projection de fougères de Goldsworthy est présentée symbolisant les racines qui sont aussi matérialisées par une danse au sol qui rappelle le mouvement des serpents. Le quatrième tableau, Branche, renvoie à la construction d’un nid à partir de branches d’arbres par des mouvements circulaires des interprètes sur la poussière de terre rouge présente au sol. Enfin, pour le dernier tableau, Feuille, des feuilles sèches sont disposées au centre du plateau et les interprètes dansent autour puis se retrouvent dans un petit cercle.
Chopinot travaille dans cette pièce autour du thème des éléments, comme ce sera aussi le cas dans « Paroles du feu » (1997). Ses recherches l’emmènent aussi vers la lenteur – même si les interprètes ne ralentissent pas leurs mouvements -, par une danse épurée, humble, sans artifice de spectacle, et, pour la première fois depuis longtemps, sans costumes de J.P. Gaultier !
Durant toute la pièce, les sons de la nature de Knud Viktor s’ajoutent aux gestes des danseurs manipulant les éléments naturels (bruits de feuilles, branchages d’arbres). « Végétal » est en effet l’occasion d’une collaboration du BARC avec le poète et peintre sonore Knud Viktor. Cet artiste, installé dans le Lubéron et qui travaille dans le domaine de l’art sonore environnemental, se passionne pour les sons de la vie végétale et animale et travaille aussi pour la radio.
Cette pièce marque également le début d’une longue complicité avec la « lumiériste » Maryse Gautier, qui a depuis souvent collaboré avec Chopinot pour la création lumières des pièces du BARC. Maryse Gautier avait été repérée par Chopinot en 1994 et leur collaboration dure encore en 2013 au sein de la compagnie Cornucopiae avec la pièce « Very Wetr ! ».
En 1995, Chopinot est installée depuis près de dix ans à La Rochelle, elle a eu la reconnaissance de la profession et connu le succès public, elle peut se permettre encore de lancer une grande production à nouveau à la suite d’« ANA » et « Saint-Georges » (15 interprètes pour « Végétal », 13 pour « Saint-Georges », 19 pour « ANA »).
Extraits de presse
Reconnue aujourd’hui comme une pièce majeure de la chorégraphe, « Végétal » connaît un relatif échec public. Les critiques se montrent souvent peu tendres en France, même si au Japon la pièce a connu un réel succès !
« Végétal est au-delà de la danse ou en-deçà. Il s’agit ici de voyager dans le mouvement comme dans l’espace, jusqu’à en ressentir la fibre essentielle, presque au-delà d’un seuil minimal de perception […] Longue et profonde interrogation d’un geste, jusqu’à dégager la trame organique et imaginaire qu’il recèle. »
Laurence Louppe, dans Art press, avril 1996
« Si l’on est convaincu par la pertinence du propos plastique, on l’est moins par la chorégraphie et la danse, qui semblent se chercher un statut.Dans « Végétal », parce qu’elle se confronte d’une manière franche avec un paysage sonore et un univers plastique, la danse cherche sa nature. On le regrette, même si l’on aura pris dans ce spectacle quelques bons bols d’air. »
Marie-Christine Vernay dans Libération du 15 novembre 1995
Dernière mise à jour : février 2013