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Le pur hasard
Après trois années d’un travail de groupe tout entier voué à la transmission, Nacera Belaza a souhaité retrouver le chemin d’une recherche plus intimiste. Avec « Le pur hasard », la chorégraphe se soustrait momentanément aux flux du monde, qui ne nous parviennent plus que sous la forme d’une rumeur assourdie. La scène semble un refuge lointain et silencieux où la chorégraphe laisse doucement affleurer, tel un chuchotement insistant, la présence singulière de chacun des protagonistes. Nulle affirmation narcissique dans cette présence, il ne s’agit pas de clamer son identité. Comme dans un rêve, les gestes s’enchaînent ou se désenchaînent selon une logique aussi mystérieuse qu’impérieuse, et sans jamais se départir d’une qualité ouatée. Les danseurs sont d’autant plus eux-mêmes qu’ils semblent indifférents à l’image qu’ils donnent. Ils évoluent dans une sorte d’état méditatif, tranquillement intense. Trois soli et un trio composent cette nouvelle pièce. Les apparitions de Nacera et Dalila Belaza encadrent celles du comédien Zahir Boukhenak, qui dit et danse un texte de l’écrivain algérien Alloulah. Les protagonistes rencontrent parfois leur propre image, projetée en fond de scène. Un étrange dialogue s’instaure alors, tout en échos et décalages, comme si l’action des personnages se distribuait à la fois dans plusieurs espaces-temps. Plongés dans leur monde intérieur, les interprètes semblent en proie à une solitude indéchiffrable. Pourtant, de subtils lient se tissent. À travers la qualité de présence fragile des danseurs, ce sont les discrets accords du hasard qui sont rendus sensibles. Un vol d’oiseau vient souligner la texture d’un geste, un son vient scander une émotion, deux mouvements se répondent, comme autant de rimes latentes que la danse révèle.
Annie Suquet
Dernière mise à jour : mars 2010